Les municipalités comme Saint-Hippolyte ou Saint-Élie-de-Caxton pourraient recevoir de nouveaux outils pour bloquer les projets miniers, mais seulement dans les zones «urbaines» ou de «villégiature ». C'est ce que propose le gouvernement Charest avec son nouveau projet de loi sur les mines.

Le projet de loi 14 a été déposé jeudi. Il remplace le projet de loi 79, mort au feuilleton en février dernier après avoir été fortement dénoncé en commission parlementaire.

Le nouveau projet propose des «changements majeurs» et une «rupture avec le passé», a affirmé ce jeudi le ministre délégué aux Ressources naturelles et à la Faune, Serge Simard.

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) accueillent «favorablement» les nouveaux pouvoirs que leur accorde le projet de loi. Mais elles déplorent leur application limitée. Elles voulaient que le gouvernement supprime l'article de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui donne préséance aux droits miniers sur les droits des municipalités. Une «incongruité» que dénoncent aussi le PQ, Québec solidaire et la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine.

Ce sont les MRC qui déterminent les zones urbaines et de villégiature. «Mais ces zones sont très petites, rappelle Ugo Lapointe, porte-parole du groupe environnementaliste. Par exemple, pour Sainte-Camille (qui recèle un gisement aurifère), la zone urbaine se limite à quelques coins de rue.»

Il se demande pourquoi le gouvernement protège les zones de villégiature, mais pas les zones agricoles.  Scott McKay, porte-parole du PQ en matière de Mines, avance que le gouvernement aurait cédé aux «pressions importantes» de citoyens qui possèdent des «résidences prestigieuses» dans des zones de villégiature dans les Laurentides.

Acceptabilité sociale

Le projet de loi fera l'objet de consultations. Mais le ministre Simard assure que les préoccupations locales sont déjà considérées «à chaque étape».  Une entreprise qui détient un claim sur un terrain privé devra désormais en aviser le propriétaire dans un délai de 60 jours. Et elle devra obtenir un consentement écrit pour accéder au terrain.

Si le claim est sur le terrain d'une municipalité, l'entreprise devra désormais l'aviser 90 jours à l'avance avant d'entamer les travaux.

Des consultations publiques seront aussi obligatoirement menées avant chaque exploitation d'un gisement. Des consultations distinctes auprès des autochtones sont aussi exigées. Une mesure que salue le PQ, tout en dénonçant que ce soit les entreprises qui mènent ces consultations.

Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement examinera tous les projets qui prévoient exploiter plus de 3000 tones de minerai par jour.

Les mines devront aussi verser une garantie financière pour la restauration. La restauration sera maintenant faite pour tout le site, et non pas seulement pour les résidus miniers.  Les travaux devront être entamés dans un délai de trois ans. Ce délai était auparavant de 15 ans.

Les pénalités augmentent également. Par exemple, si la restauration n'est pas adéquate, les amendes oscilleront entre 50 000$ et 100 000$. «Les sites orphelins, ça n'arrivera plus», promet le ministre.

Le PQ déplore toutefois que le projet de loi ne parle pas de redevances. Cela relève du ministère des Finances, explique M. Simard. Le gouvernement Charest a déjà haussé les redevances de 12% à 15%. Elles passeront à 16% l'année prochaine. Or, il s'agit d'une mesure budgétaire, et non d'une loi, déplore le PQ. Elle pourrait donc être abandonnée facilement. Et de toute façon, il s'agit d'un pourcentage insuffisant, croit l'opposition.

À cause des déductions et «largesses fiscales», Amir Khadir, le député de Québec solidaire, calcule que les minières ne paieront qu'environ 10% en redevances pour exploiter la ressource naturelle des Québécois. Cela équivaudrait à une forme de «colonialisme», peste-t-il.

Le PQ donne un autre exemple pour prouver «l'insuffisance» des redevances. Pour le Plan Nord, Québec récoltera 120 millions en redevances dans les cinq prochaines années, mais investira dix fois plus en infrastructures.

Industrie inquiète

L'Association minière du Québec et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) sont quant à elles «inquiètes» du projet de loi. Elles craignent entre autres que l'interdiction d'activité minière sur le territoire urbain, qui est rétroactive, ne «fragilise» l'industrie. Elles regrettent aussi que la délimitation des zones de villégiature incombe aux municipalités. Cela ouvrirait la porte à des décisions «arbitraires» et «imprévisibles» qui nuiraient aux minières.

La FCCQ estime en outre que le processus de consultations publiques est «lourd» et «mal défini». Enfin, elle soutient que le délai de trois ans pour le paiement des garanties et la restauration des sites est trop court.