Il y a deux projets éoliens en construction dans le centre du Québec qui se ressemblent beaucoup. Ils sont voisins l'un de l'autre et leurs promoteurs ont choisi le même modèle de turbine allemande. Malgré ces similarités, l'un des deux vendra son énergie 30% plus cher à Hydro-Québec.

Cette différence de prix est difficile à comprendre, d'autant que le projet le plus coûteux, celui de la firme espagnole Enerfin, nécessite la construction de 50 tours d'éoliennes et que le moins coûteux, celui de 3Ci, en aura 78, soit 28 de plus.

Au total, Enerfin investira 421 millions de dollars pour ériger 50 éoliennes dans le parc éolien de l'Érable, dans la région de Thetford Mines, pour une puissance totale de 100 mégawatts. À 25 kilomètres de là, 3Ci dépensera 400 millions pour 78 éoliennes dont la puissance totale sera de 156 mégawatts.

Le promoteur Enerfin explique la différence de coût par le fait que le territoire de son parc est plus boisé, et que les éoliennes y seront érigées en grappes plutôt qu'en rangées, ce qui réduit leur impact visuel, mais augmente le coût.

«On ne peut pas vraiment comparer les deux parcs», affirme la porte-parole d'Enerfin, Debbie Cabana.

Cette explication ne satisfait pas le député Sylvain Gaudreault, critique de l'opposition en matière d'énergie. «On parle de la même région et de territoires semblables», a-t-il commenté. Le projet de 78 éoliennes coûte moins cher que celui de 50 éoliennes, ce qui n'est pas normal, selon lui. M. Gaudreault a tenté sans succès d'obtenir des précisions de la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.

Enerfin a donné des compensations plus généreuses à la population locale, selon le maire de Saint-Ferdinand et préfet de la MRC de l'Érable, Donald Langlois. Les redevances versées par Enerfin totaliseront 13 160$ par mégawatt installé comparativement à 11 218$ par mégawatt pour le projet voisin.

Le projet d'Enerfin a été fortement contesté, mais le maire Langlois soutient que ce n'est pas à cause de cette opposition que l'entreprise a été plus généreuse.

Quoi qu'il en soit, Hydro-Québec a accepté de payer 11,9 cents le kilowattheure pour l'électricité que produira Enerfin. C'est 30% de plus que ce qui sera versé pour le projet voisin (8,9 cents le kilowattheure).

Le projet d'Enerfin est le plus coûteux des 15 projets éoliens acceptés par Hydro-Québec à la suite de son second appel d'offres pour l'achat de 2000 mégawatts d'énergie éolienne.

Opposition

Cette énergie coûtera cher aux Québécois, selon Jean Matuszewski, économiste membre du Regroupement pour le développement durable des Appalaches, qui s'oppose au projet.

M. Matuszewski a estimé qu'au prix moyen de 9,9 cents le kilowattheure, plus le coût d'intégration au réseau de transport, l'électricité du deuxième appel d'offres coûtera 11 cents par kilowattheure à Hydro-Québec.

Comme Hydro vend son électricité au prix moyen de 6,2 cents le kilowattheure, elle perd 4,8 cents pour chaque kilowattheure d'origine éolienne.

Hydro s'est engagée à acheter annuellement 5 milliards de kilowattheures d'énergie éolienne provenant de ce deuxième appel d'offres, ce qui porte sa perte à 250 millions par année. Les contrats sont d'une durée de 20 ans.

Selon Jean Matuszewski, c'est payer cher pour de l'électricité dont le Québec n'a pas besoin, étant donné l'existence de surplus jusqu'en 2020. «Cette initiative est à la fois coûteuse et inutile dans le contexte énergétique des 10 prochaines années», estime-t-il.