Les prix du pétrole repartaient en très légère baisse lundi, après avoir atteint à New York leur plus haut niveau depuis septembre 2008 à près de 115 dollars le baril, alors que le marché pétrolier tentait d'évaluer les implications de la mort d'Oussama Ben Laden.

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Les indices boursiers ont eu des premiers soubresauts positifs, hier, après l'annonce du décès du terroriste-multimillionnaire Oussama ben Laden. Mais cet effet s'est rapidement estompé, laissant la place aux spéculations sur le prix du pétrole face aux risques de représailles par des extrémistes musulmans.

Les risques de représailles sur des installations pétrolières au Moyen-Orient, déjà très sollicitées par la croissance mondiale, préoccupent les investisseurs et les analystes après la mort du chef terroriste Oussama ben Laden.

D'autant que, depuis des années, ben Laden et ses acolytes de l'organisation terroriste Al-Qaïda encourageaient leurs fidèles à tenter des attaques contre l'industrie pétrolière comme un moyen de nuire aux économies européenne et américaine.

Hier, malgré les accolades reçues pour l'élimination de ben Laden après des années de traque, le chef de la CIA américaine, Leon Panetta, avertissait les marchés du risque «presque certain» de représailles.

«Même si ben Laden est mort, l'organisation Al-Qaïda ne l'est pas. D'autres terroristes vont sûrement tenter de le venger. C'est pourquoi nous devons rester vigilants et déterminés dans nos efforts», indiquait M. Panetta dans une missive interne de la CIA qui a circulé ensuite dans les médias.

Mais dans le milieu boursier, hier, on préférait minimiser l'impact économique d'une telle menace.

«Malgré le risque de représailles pour l'élimination de ben Laden, nous ne croyons pas à ce moment-ci que ce risque soit assez spécifique ou suffisant au point de compromettre la reprise économique mondiale», a résumé Michael Ryan, directeur de recherche pour les Amérique chez la firme UBS à New York, dans une note envoyée hier matin à ses clients-investisseurs.

Après de brefs soubresauts des Bourses hier matin, les investisseurs et les analystes ont recentré leurs préoccupations sur le marché du pétrole.

À court terme, il faudra jauger la «flexibilité» des approvisionnements d'or noir en cas d'attaques contre des installations pétrolières considérées de première importance.

À moyen terme, il faudra évaluer le risque économique aux États-Unis surtout d'une inflation accélérée des prix du pétrole.

C'est ainsi qu'en mi-journée, hier, les cours du pétrole à New York étaient en hausse d'environ 0,6% jusqu'à 114,65$US le baril, le prix le plus élevé depuis septembre 2008.

«Le marché appréhende qu'avec l'élimination de ben Laden, le risque de représailles est élevé, qu'il vaut mieux ne pas célébrer trop tôt», a commenté Phil Flynn, vice-président à la recherche chez PFGBest, un courtier de Chicago spécialisé en contrats à terme sur les matières premières et l'énergie.

En cours séance, la publication d'indices manufacturiers inférieurs aux attentes aux États-Unis et en Chine a calmé la spéculation pétrolière et même renversé la cadence.

L'or noir a finalement terminé la séance en recul de 0,3% au prix encore élevé de 113,52$US le baril.

Peu de changements

Du point de vue des gestionnaires de fonds, ce prix élevé du pétrole est l'élément qui demeure le plus préoccupant pour leur stratégie d'investissement, plutôt que l'élimination du terroriste le plus honni de la planète.

«Au-delà des petits sursauts à très court terme, la mort de ben Laden ne change rien aux principaux éléments fondamentaux du marché boursier. Le plus préoccupant, en fait, c'est le retour de prix élevés du pétrole et leur impact sur la reprise économique encore fragile aux États-Unis», résume Jean-Luc Landry, président de la firme d'investissement Landry Morin, de Montréal.

Selon M. Landry, la remontée du prix de l'essence aux États-Unis devient une ponction de plus en plus inquiétante pour l'économie.

Ce surcoût pétrolier devait s'alourdir davantage en raison, par exemple, d'attaques terroristes contre des installations pétrolières, il s'en suffirait de peu pour neutraliser la reprise de croissance économique an Amérique du Nord.

«Cette reprise est fragile. La création d'emplois a repris un peu, mais le regain du marché des maisons - le principal actif d'une grande majorité d'Américains - demeure encore très incertain, a souligné Jean-Luc Landry.

«Quand on regarde les récessions antérieures aux États-Unis, elles ont souvent été précédées d'une remontée des prix du pétrole.»

- Avec AFP et Bloomberg

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CE QU'EN PENSENT LES EXPERTS

«La capture et l'assassinat de ben Laden pourraient servir de catalyseur pour ralentir les dépenses publiques pour la défense nationale. Après une hausse significative des dépenses militaires depuis 10 ans pour combattre le terrorisme et appuyer les efforts américains au Moyen-Orient, une menace terroriste réduite offre des raisons de réduire le budget de la défense. Ça va évidemment dépendre de ce qui va se produire prochainement au Moyen-Orient, mais la mort de ben Laden peut maintenant être vue comme un élément positif pour la situation fiscale américaine.»

- Pierre Lapointe, stratège chez Brockhouse Cooper

«Ben Laden a un effet temporaire sur les marchés. Le dollar américain a rebondi après l'annonce de la nouvelle, mais il s'est rapidement replié et la nouvelle semble déjà avoir perdu de son impact alors que les investisseurs recentrent leur intérêt sur les éléments fondamentaux. La tendance baissière du dollar américain reste en place. Le répit du jour est temporaire et pourrait simplement n'être qu'une occasion pour les investisseurs de reprendre des positions shorts à un niveau plus attrayant.»

- Kathleen Brooks, directeur de la recherche chez Gain Capital

«C'est un énorme soulagement et ma première réaction a été de sourire. La question pour les marchés et l'économie est maintenant de savoir si on se trouve aujourd'hui plus en sécurité qu'avant. Je ne sais pas si quelqu'un connaît réellement la réponse à cette question. On peut espérer être en meilleure sécurité.»

- Peter Boockvar, stratège chez Miller Tabak