Un an après l'explosion dans le golfe du Mexique, les dirigeants du géant pétrolier BP ont vécu jeudi une assemblée générale difficile: des pêcheurs américains étaient venus jusqu'à Londres crier leur colère intacte, tandis que les projets en Russie tournent à la bérézina.

Le patron de BP, l'Américain Bob Dudley, qui a pris les rênes du groupe en octobre, s'est ainsi trouvé en position d'accusé malgré ses tentatives pour surmonter le pire épisode de l'histoire de la compagnie.

C'était la première assemblée générale du groupe depuis l'explosion, le 20 avril 2010, de la plate-forme Deepwater Horizon exploitée par BP, qui a fait 11 morts et déversé des millions de barils de pétrole dans le golfe du Mexique.

«BP, honte à toi!», proclamait une banderole brandie devant le centre de conférences par les manifestants, des pêcheurs venus spécialement de Louisiane et du Texas pour être aux côtés de salariés britanniques du groupe.

«Nous avons travaillé cinq générations et tout ce que nous avons récolté, c'est la mort de notre communauté», s'indignait Diane Wilson, une Texane qui s'était enduit le visage de pétrole en signe d'indignation.

Les manifestants ont tenté en vain d'entrer dans le bâtiment où se tenait l'assemblée générale.

Plusieurs actionnaires de poids, comme le grand fonds de pension américain Calpers, avaient annoncé de leur côté qu'ils voteraient contre certains rapports soumis à leur approbation, notamment celui sur les rémunérations. Celui-ci a néanmoins été adopté avec environ 90% des voix, selon un décompte provisoire communiqué en fin de journée par un porte-parole.

Le rapport annuel a été adopté avec un score de 95%, selon la même source.

Après avoir minimisé l'ampleur de la pollution, ce qui lui vaut une rancoeur tenace des Américains, BP a opté pour une autre stratégie: plaider la responsabilité partagée, notamment avec le propriétaire de la plate-forme, le groupe Transocean. Et insister encore et encore sur sa volonté de renforcer toutes ses normes de sécurité.

«Nous sommes une compagnie différente de celle d'il y a un an», a de nouveau plaidé jeudi M. Dudley, tout en insistant sur la nécessité pour son groupe de poursuivre les forages en eaux profondes.

Pour les actionnaires, la page est loin d'être tournée, ne serait-ce que parce qu'ils restent largement perdants en termes financiers: l'action BP reste près de 30% inférieure à sa valeur d'avant l'explosion du 20 avril.

Tout en cédant en un an plus de 24 milliards de dollars d'actifs pour faire face aux coûts gigantesques des suites de la marée noire, BP avait cherché à satisfaire ses actionnaires en reprenant le versement des dividendes en février.

Le patron de BP pensait avoir réalisé un coup de maître de nature à calmer les critiques en annonçant en janvier un accord «historique» avec le groupe public russe Rosneft, afin d'exploiter en commun une immense région au coeur de l'Arctique russe.

D'abord salué par les analystes comme un virage audacieux permettant à BP d'assurer son avenir et de se détacher des États-Unis, cet accord s'est transformé en chemin de croix pour Bob Dudley.

Furieux d'avoir été contournés, les actionnaires russes de la coentreprise russe de BP, TNK-BP, ont réussi à bloquer le processus.

M. Dudley a reçu jeudi matin une petite bouffée d'oxygène avec le report, au 16 mai, de la date-limite pour réaliser un échange de participations avec Rosneft. Mais cet accord semble de plus en plus compromis, même si le patron de BP a reaffirmé jeudi l'importance stratégique pour son groupe de consolider sa présence en Russie.