La hausse de plus de 30 % du prix de l'essence depuis le début de 2011 représente une facture annuelle supplémentaire de 950 $ par ménage. «Cela équivaut à une augmentation de 7 % de l'impôt sur le revenu du Canadien moyen», estime Benjamin Tal, économiste à la CIBC.

La difficulté avec l'essence, c'est que sa demande est inélastique. La flambée des prix de l'été 2008 n'a pas réduit sa consommation. Entre juillet 2007 et juillet 2008, le prix du litre à la pompe est passé de 1,00 $ à 1,40 $. Pourtant, rappelle-t-il, la consommation canadienne n'a pas bronché : 3,5 milliards de litres par mois.

L'argent versé en plus aux stations-service ou au livreur de mazout de chauffage est puisé ailleurs dans le budget familial. Cela s'avère un exercice pénible pour les ménages près ou en deçà du revenu disponible médian canadien.

Pour les uns, ce sera le report d'achat d'un électroménager ou d'un appareil électronique, mais, pour la plupart, ce sera l'augmentation du temps de lecture des circulaires. La chasse aux aubaines dans les supermarchés aura pour effet de réduire les marges des marchands et de vider les restaurants, surtout ceux qui ciblent la famille ou les budgets moyens.

Dans l'ensemble de l'économie canadienne, l'augmentation des prix du pétrole a des effets divergents. Elle dope le huard et diminue du coup les prix des biens importés.

C'est un élément qui sert à contenir l'inflation sans que la Banque du Canada n'ait à augmenter les taux d'intérêt, ce qui fait l'affaire d'un peu tout le monde. Elle précisera sans doute ses vues à ce sujet, soit ce matin en annonçant la reconduction de son taux directeur, soit demain dans la nouvelle édition du Rapport sur la politique monétaire dans lequel elle met à jour son scénario économique et financier.

Vient un prix du brut où l'avantage est neutralisé par le tort de plus en plus grand causé aux économies importatrices d'or noir, au premier plan les États-Unis, le principal client du Canada. Il reste à savoir où est ce point d'inflexion : 100 $US, peut-être 110 $US, mais pas plus de 125 $US, estime Douglas Porter, économiste chez BMO marchés des capitaux. «À ce niveau, les effets néfastes chez nos partenaires commerciaux deviennent si imposants qu'ils supplantent tout avantage relié à la hausse des cours du brut.»

Selon Earl Sweet, aussi économiste chez BMO, toute hausse soutenue de 10 $US le baril du prix du brut entraîne une diminution d'environ 0,25 % du produit intérieur brut (PIB) américain au bout de deux ans. Depuis un an, le prix du brut est passé de 75 $US à 110 $US le baril, ce qui ne pourra que ralentir la croissance américaine en 2012, année électorale, faut-il rappeler. Et le plein effet serait ressenti en 2013, année où il faudra bien se résoudre à une véritable austérité budgétaire à Washington.

«Étant donné leur niveau d'endettement élevé et de la faiblesse du marché de l'habitation, les ménages ne pourront compenser la hausse du prix de l'essence par des emprunts ou des ponctions dans leurs épargnes pour financer leurs dépenses discrétionnaires», écrivait-il dans une récente édition de l'hebdo Focus.

Voilà pourquoi, il ne faut pas s'étonner que le Fonds monétaire international ait décidé de diminuer sa prévision de croissance de l'économie américaine, étant donné la poussée du brut. Malgré une baisse de quelque 2 $US, son cours cotait à 110 $US le baril encore hier.

«La poussée des coûts de l'essence risque d'entraîner une destruction de la demande», estiment François Dupuis et Mathieu D'Anjou, économistes chez Desjardins. Hier, l'institution lévisienne a relevé sa prévision. Elle voit le baril à 95 $US cette année en moyenne et à 105 $US l'an prochain.

Déjà les ventes de camions légers sont à la baisse. C'est une spécialité ontarienne...