Hydro-Québec pourrait réduire le coût de ses projets de construction avec une garantie de prêt comme celle qu'Ottawa veut accorder à Terre-Neuve pour son projet du Bas-Churchill, estime son président-directeur général, qui refuse toutefois de dire s'il pourrait demander le même traitement du fédéral.

«C'est une annonce qui a été faite dans le contexte d'une campagne électorale», a commenté Thierry Vandal après un discours hier à Montréal. Il est vrai «en théorie», qu'une aide fédérale réduirait les coûts de construction d'Hydro, a-t-il reconnu, mais il a refusé de s'engager plus avant sur ce terrain. «La position d'Hydro-Québec est celle qu'a exprimée le premier ministre», s'est-il contenté de dire.

Le patron d'Hydro s'est encore défendu d'avoir bloqué le développement du projet du Bas-Churchill en refusant l'accès à son réseau à Terre-Neuve. Ce que Terre-Neuve voulait, «c'est un accès préférentiel et à coût réduit», a-t-il plaidé.

La société énergétique du gouvernement de Terre-Neuve, Nalcor, s'était plainte sans succès à la Régie de l'énergie de la décision d'Hydro-Québec de lui refuser l'accès à son réseau. Hier, la Régie a fait savoir qu'elle rejetait également la demande en révision sa décision soumise par Terre-Neuve.

Le plan B

C'est l'impossibilité pour Terre-Neuve de passer par le Québec qui l'a conduit à mettre en oeuvre son plan B, qui consiste à acheminer l'énergie du Bas-Churchill vers les marchés par câble sous-marin entre le continent et Terre-Neuve, et entre Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse. Ce projet, beaucoup plus coûteux, est estimé à 6,2 milliards de dollars.

Pour reconquérir le coeur des Terre-Neuviens, le premier ministre Stephen Harper a promis dès les premiers jours de la campagne électorale d'accorder une garantie de prêt sur des emprunts de 4, 2 milliards. Et le leader des libéraux, Michel Ignatieff, et celui des néo-démocrates, Jack Layton, ont fait savoir qu'ils feraient la même chose s'ils étaient portés au pouvoir.

Cette promesse a soulevé l'indignation générale au Québec, où on estime que Terre-Neuve pourra livrer une concurrence déloyale à Hydro-Québec, et même en Ontario, où le premier ministre, David McGuinty, s'oppose catégoriquement à ce que l'argent des Ontariens serve à subventionner le coût de l'énergie dans d'autres parties du Canada.

Le montant de l'aide fédérale pourrait être substantiel. Avec la garantie de prêt d'Ottawa, Terre-Neuve pourrait emprunter au même taux que le gouvernement fédéral, qui jouit d'une cote de crédit AAA, plutôt qu'au taux plus élevé lié à sa propre cote A". Les économies d'intérêt pourraient être de 200 à 400 millions par année , selon les premières estimations, pendant 25 ans.

Projet condamné

Hier, l'Assemblée nationale unanime a condamné l'intention des libéraux et des conservateurs d'Ottawa de financer le projet hydroélectrique de Terre-Neuve. La motion adoptée par tous les partis affirme que «l'Assemblée réitère son opposition à une participation financière du gouvernement fédéral dans le projet électrique du Bas-Churchill, considérant que le Québec a assumé seul, et dans l'affirmation de ses compétences, le coût total de ses installations hydroélectriques».

Même si le gouvernement fédéral était prêt à offrir au Québec le même type de garantie de prêt qu'il offre à Terre-Neuve, il n'est pas du tout certain qu'elle serait acceptée. Le Québec s'est toujours farouchement opposé à l'intrusion du fédéral dans le secteur des ressources naturelles, qui est du ressort des provinces.