Dans son rapport cinglant sur les interventions gouvernementales dans le secteur minier, publié au printemps 2009, le vérificateur général a révélé que l'aide fiscale aux sociétés minières dépassait les redevances que touchait l'État. Or, le vérificateur a même sous-estimé de quelque 90 millions de dollars le déficit de l'État pour les années financières 2007 et 2008, a constaté La Presse Affaires.

«À partir des analyses disponibles, il est impossible d'établir, de façon claire et objective, si le Québec retire une compensation suffisante en contrepartie de l'exploitation de ses ressources naturelles», affirmait le vérificateur dans son rapport.

Entre 2002 et 2008, le gouvernement a touché environ 256 millions en droits miniers (redevances). Durant la même période, calculait le vérificateur, Québec a consacré quelque 624 millions pour les trois principales mesures fiscales ciblant les minières: avantages liés aux actions accréditives, crédit d'impôt relatif aux ressources et crédit de droits remboursable pour perte.

Or, pour calculer le coût estimatif des deux premières mesures pour 2007 et 2008, le vérificateur n'avait accès qu'à des projections du ministère des Finances. Depuis ce temps, le Ministère a dévoilé les données réelles.

Concernant les actions accréditives, le vérificateur avait surestimé les coûts. Au lieu de 103 millions pour les deux années, Québec n'a déboursé que 72 millions.

Mais, dans le cas du crédit d'impôt relatif aux ressources, le vérificateur a largement sous-estimé les dépenses fiscales. Au lieu de coûter 142 millions, elles ont totalisé 264 millions. Une hausse significative de l'exploration, explicable par une hausse importante du prix des métaux, avait causé ce bond inattendu.

Au total, le déficit du gouvernement pour les années financières 2006 et 2007 atteint donc 223 millions, au lieu de 132 millions.

Les calculs du vérificateur général excluaient les impôts sur le revenu des sociétés minières, de même que les dépenses de subventions, notamment pour la recherche et développement ou le soutien à l'emploi.

Pour les crédits de droits remboursables pour perte, il n'a pas été possible de concilier les chiffres du ministère des Finances et du vérificateur en raison d'une différence de méthodologie.

Révision du régime

À la lumière de ses constats, le vérificateur avait recommandé au gouvernement «de réévaluer les droits miniers dans le but de s'assurer qu'ils sont suffisants pour compenser l'épuisement des ressources extraites».

Le ministre des Finances, Raymond Bachand, a inclus une révision du régime de droits dans son budget 2010-2011, à la surprise générale et au grand dam de ceux qui espéraient un projet de loi pour en débattre. Le gouvernement a annoncé une augmentation graduelle du taux de redevances de 12 à 16% des profits, de même qu'une réduction des déductions possibles.

Le débat n'est pas clos

Même après les gestes du ministre Bachand, le débat sur le régime de droits miniers continue. La Coalition pour que le Québec ait meilleure mine voudrait qu'au moins une partie des redevances soit calculée sur la valeur brute produite plutôt que sur les profits.

Yvan Allaire et Mihaela Firsirotu, respectivement président du conseil de l'Institut sur la gouvernance des organisations publiques et privées et professeure de stratégie à l'UQAM, ont récemment défendu la même position dans une lettre ouverte publiée dans La Presse.

Ils ont aussi dénoncé «une stratégie industrielle d'une autre époque» basée sur les concessions fiscales et autres avantages.

Réplique de l'industrie

En réplique, le vice-président aux finances de la minière Osisko, Bryan Coates, a soutenu que les encouragements fiscaux fonctionnent, et que l'analyse du vérificateur général, en comparant les entrées et sorties d'argent dans la même période, était inexacte.

«Les incitatifs accordés pour encourager l'exploration de 2003 à 2008, écrivait M. Coates, ont mené aux investissements actuels dans le secteur minier et au développement de projets d'importance - Canadian Malartic, Eleonore, Lac Bloom, Lapa, Goldex, LaRonde, Westwood, Lac Renard et plusieurs autres. Les investissements en incitatifs de 2003 à 2008 devraient donc être mis en comparaison et jugés en fonction des droits miniers qui seront perçus au cours des années 2010-2020 si nous voulons faire une évaluation adéquate.»

Le gouvernement a touché 27 millions de dollars de droits en 2008-2009, puis 125 millions de dollars l'année suivante, avec la relance de l'industrie minière. Le ministre des Finances prévoit encaisser 570 millions de dollars dans les cinq années suivantes.

Les coûts des mesures fiscales pour 2009 et 2010 ne sont encore que des projections.