Taconite est un projet minier d'envergure : des investissements potentiels de 4,8 milliards, deux gisements de fer aux réserves immenses, une production annuelle de 22 millions de tonnes, une usine de traitement à Sept-Îles. Et comme colonne vertébrale, un pipeline de 750 kilomètres enfoui dans le sol, pour transporter le concentré de fer de la région de Schefferville jusqu'au rives du fleuve Saint-Laurent.

Taconite regroupe les projets LabMag et Kémag, dans la région de Schefferville. Dimanche dernier, Tata Steel et New Millennium Capital Corp. (NML) ont conclu une entente pour la mise en valeur et l'exploitation éventuelle des deux gisements.

L'étude de faisabilité définitive du projet reste à faire. Mais en ce qui concerne le transport du concentré de la mine jusqu'à l'usine de bouletage de Sept-Îles, l'option du pipeline a une longueur d'avance sur l'alternative ferroviaire. «Pour l'instant, je privilégie le pipeline, mais les deux options seront regardées dans l'étude de faisabilité», assure le président et chef de la direction de New Millennium, Robert Martin.

Dans l'étude de préfaisabilité de KéMag, publiée en mars 2009, l'option du pipeline est présentée en détail. Il est question d'une conduite de 70 centimètres s'étendant sur 750 kilomètres. Le fer serait mélangé à de l'eau à la sortie du concentrateur pour en faire une sorte de boue expédiée à l'autre bout du pipeline, où le mélange serait asséché puis traité.

Le pipeline serait enfoui entre 1 et 1,5 mètre sous la surface du sol. Comme le passage de la boue crée une chaleur dans le pipeline, cette profondeur devrait être suffisante pour le protéger du gel pendant les opérations. Des pipelines du même genre utilisés par Norilsk en Sibérie résistent depuis au moins 25 ans à des froids encore plus sévères que dans le nord du Québec, lit-on dans l'étude de préfaisabilité de KéMag. Une station de pompage d'appoint serait construite à environ 475 kilomètres au sud de point de départ du pipeline.

Une affaire de coûts

Ce qui rend le pipeline si intéressant pour les promoteurs, ce sont les coûts d'exploitation. Une fois l'infrastructure construite - une affaire d'un milliard - les coûts de transport du concentré de Schefferville à Sept-Îles ne seraient que d'environ 2 $ la tonne, souligne Robert Martin. Si New Millennium utilisait le chemin de fer existant reliant Schefferville à Sept-Îles, les coûts de location et d'opération s'élèveraient à 15 ou 20 $ la tonne.

New Millennium et Tata pourraient toujours construire leur propre chemin de fer pour faire tomber les coûts sous les 10 $ la tonne. Mais l'investissement de départ pourrait être jusqu'à trois fois plus important, estime le chef des opérations de NML, Dean Journeaux. Le rail ne peut franchir des pentes inclinées de plus de 1,5 %, tandis que le pipeline peut fonctionner malgré des pentes de 9 ou 10 %. «On peut suivre le terrain beaucoup plus facilement», note M. Journeaux. Et la bande de terrain nécessaire pour la construction du pipeline est beaucoup moins importante.

L'étude de préfaisabilité de KéMag fait état de coûts de production totaux de 27 à 29 $ la tonne pour les boulettes de fer, en considérant le pipeline comme moyen de transport. Le prix des boulettes de fer est actuellement de 200 $US la tonne. Selon Phil Newman, de la firme de consultation londonienne CRU Strategies, le prix devrait diminuer lentement dans les quatre prochaines années, mais devrait rester au-delà des 160 $US la tonne.

Le tracé de pipeline proposé dans l'étude de préfaisabilité de KéMag est situé entièrement en territoire québécois. Un autre tracé étudié part du gisement LabMag, au Labrador, pour descendre vers Sept-Îles.

Une aide du Plan Nord ?

LabMag et KéMag rassemblent des réserves de 5,6 milliards de tonnes de fer, à une teneur d'environ 30 %. Si tout va comme prévu, Taconite pourrait entrer en production en 2016 ou 2017.

D'ici peu, le gouvernement québécois dévoilera son Plan Nord, qui pourrait contenir certaines mesures pour le développement des infrastructures nécessaires à Taconite. Mais pour le transport du concentré, Québec pourrait vouloir favoriser le chemin de fer, plus créateur d'emploi qu'un pipeline.

«Nous ne savons pas à quoi nous attendre de ce plan, dit Robert Martin. Le gouvernement nous dit qu'il est intéressé à aider. Pour n'importe quel projet qui sera bon pour le Québec, qui apportera des bénéfices à l'ensemble de la population, je pense qu'ils vont aider.» New Millennium, une société exploitée à partir de Montréal, a fait toutes ses études sans considérer l'aide gouvernementale.