L'Algérie a beau être le principal fournisseur de pétrole du Québec, les Québécois n'ont pas à se ronger les ongles davantage que les autres en regardant les mouvements de révolution s'étendre dans les pays arabes.

Selon les experts consultés par La Presse Affaires, le fait que le marché du pétrole soit aujourd'hui mondialisé protège la province contre une éventuelle pénurie de carburant. Des hausses de prix plus salées ici qu'ailleurs sont aussi improbables, même si l'insurrection en venait à interrompre la production d'or noir en Algérie.

«Le pétrole est aujourd'hui une denrée internationale. C'est vrai qu'actuellement, on est plus dépendants que d'autres du marché algérien et il pourrait y avoir des perturbations à très court terme. Mais ce qui est vraiment important pour nous comme pour les autres, c'est le prix mondial. On n'est pas réellement plus vulnérables à cause de ce qui pourrait se passer en Algérie», dit Pierre Fournier, analyste géopolitique à la Banque Nationale.

«À court terme, les prix vont sauter partout et on va souffrir comme tout le monde. Pas plus, pas moins», tranche aussi Jean-Thomas Bernard, spécialiste de l'énergie et professeur d'économie à l'Université Laval.

Fait méconnu, le Québec importe la part du lion de sa consommation de pétrole de l'Algérie (27% selon les dernières statistiques). Le pays est régulièrement désigné par les analystes comme l'un de ceux qui pourraient basculer suite aux révolutions qui déferlent dans les pays arabes et qui ont déjà eu raison des régimes de la Tunisie et l'Égypte avant de faire sérieusement craquer celui de la Libye.

En Algérie, des émeutes contre la hausse du coût de la vie ont fait cinq morts et 800 blessés au début du mois de janvier. Hier, le régime du président Abdelaziz Bouteflika a justement tenté de jeter du lest en annonçant une série de mesures en faveur de l'économie, de l'emploi et du logement. Le président a aussi promis de lever dans un délai «imminent» l'état d'urgence qui règne sur le pays depuis maintenant 19 ans.

Advenant des troubles politiques qui interrompraient la production de pétrole en Algérie, le Québec n'aurait cependant rien à craindre. C'est que la situation a bien changé depuis les années 70, où il fallait signer des contrats à long terme pour s'assurer d'un approvisionnement.

«Ce que certains ont encore à l'esprit, ce sont les chocs pétroliers de 1973 et 1979. Mais à l'époque, même s'il y avait des échanges internationaux, il n'y avait pas de véritable marché mondial», dit Jean-Thomas Bernard.

«Aujourd'hui, si le Québec est prêt à payer le prix mondial comme tout le monde, du pétrole, il va en trouver», dit aussi l'analyste Pierre Fournier.

Selon Jean-Thomas Bernard, la hausse de prix à laquelle on assiste actuellement finira par s'atténuer lorsque d'autres pays hausseront leur production pour combler le ralentissement qui a commencé à frapper la Libye.

À plus long terme, l'analyste géopolitique Pierre Fournier voit toutefois des impacts importants aux soulèvements populaires qui déferlent sur les pays arabes.

«Ce qui se passe actuellement n'est pas favorable à l'Occident», analyse l'expert, qui croit que les Américains et les Européens perdront de l'influence dans cette région du monde où ils avaient tissé des liens avec plusieurs des régimes en train aujourd'hui d'être éjectés.

«Aujourd'hui, les pays les plus influents dans la péninsule arabique sont la Chine, l'Inde et la Russie. Les Asiatiques rentrent à fond de train et sont prêts à prendre beaucoup plus de risques que les entreprises privées occidentales», continue-t-il.

Selon lui, cette situation finira notamment par avoir un impact jusque sur les sables bitumineux albertains.

«Les Américains vont vouloir se rapprocher encore plus des sables bitumineux. À mesure que les sources d'approvisionnement deviennent moins sécurisées au Moyen-Orient, ils vont vouloir s'assurer d'être les premiers et les seuls à pouvoir profiter d'autres sources sûres», dit-il, prédisant aussi un resserrement des liens des États-Unis et du Canada avec des pays comme le Brésil et le Mexique.

«Même si c'est politiquement explosif, peut-être qu'on va recommencer à discuter de la possibilité d'un pipeline partant de l'Ouest canadien vers l'Est canadien», ajoute-t-il.

IMPORTATIONS DE PÉTROLE BRUT DU QUÉBEC

(En milliers de mètres cubes)

Algérie 153

Royaume-Uni (mer du Nord) 2998

Est du Canada 2463

Angola 1384

Mexique 1081

Norvège 876

Nigeria 807

Entre janvier et octobre 2010

Source : Statistique Canada