Face à la grogne des écologistes et des élus locaux, le gouvernement a suspendu les travaux de prospection de gaz de schiste jusqu'à l'été au moins, mais sa marge de manoeuvre paraît plus limitée face aux forages d'huile de schiste prévus dès mars dans le Bassin parisien.

La ministre de l'Écologie Nathalie Kosciusko-Morizet a annoncé mercredi la création d'une mission chargée «d'évaluer les enjeux environnementaux» des gaz de schiste. «Aucune autorisation de travaux sur le gaz de schiste ne sera donnée ni même instruite avant le résultat de cette mission», a-t-elle assuré.

La ministre a précisé jeudi qu'un rapport d'étape serait rendu en avril et que le rapport définitif était attendu pour juin.

Disséminés dans la roche au lieu d'être concentrés dans des poches, les gaz de schiste sont extraits grâce à des forages horizontaux qui fracturent la roche en injectant d'énormes quantités d'eau, de sable et de produits chimiques.

Aux États-Unis, pionniers dans le domaine, le gaz de schiste représente 15 à 20% de la production totale. Son arrivée sur le marché a permis de faire chuter le prix de cette énergie, au grand profit des consommateurs.

La France, qui pourrait aussi disposer de ressources, a octroyé trois permis de prospection en mars au groupe pétrolier Total et au Texan Schuepbach Energy, associé à GDF Suez. Ces permis couvrent plus de 10 000 km2 sur les départements de l'Hérault, de l'Aveyron, de la Lozère, de l'Ardèche et de la Drôme.

Total estime à la louche que la zone qu'il explore pourrait contenir des ressources allant jusqu'à 2.380 milliards de mètres cubes de gaz, soit 10 à 20 fois la consommation annuelle de gaz en France.

De nombreux élus et associations écologistes, menés par José Bové, se sont cependant inquiétés de l'impact d'une éventuelle exploitation de ces gaz sur les nappes phréatiques, les besoins en eau ou l'impact sur le paysage.

Devant la bronca suscitée, le gouvernement a préféré suspendre tout forage.

Les permis d'exploration «ne donnent pas le droit à eux seuls de mener des travaux», explique-t-on au ministère de l'Industrie.

«Les éventuels travaux d'exploration (forages de sondage notamment) nécessitent une autorisation préfectorale (...) Aucune demande n'a été déposée à ce jour», ajoute-t-on de même source.

Pour les gaz de schiste, cette suspension ne devrait pas changer grand-chose, car les recherches se limitent pour l'instant à des prélèvements de roche et à des études de surface.

Et le premier forage, prévu en septembre à Villeneuve-de-Berg (Ardèche) par Schuepbach, menaçait déjà d'être bloqué par l'opposition du maire de la commune.

Quant à Total, il ne prévoit pas de forer avant fin 2011-début 2012. «Ce sera un forage vertical classique» sans fracturation de roche, avait indiqué un porte-parole la semaine dernière.

La question est plus délicate pour les huiles de schiste, une forme de pétrole piégé dans la roche et dont l'extraction demande des techniques similaires à celles utilisées pour le gaz de schiste.

La compagnie pétrolière américaine Hess, alliée à la société indépendante Toreador dont le vice-président est Julien Balkany, prévoyait un premier forage en mars près de Château-Thierry (Aisne).

Comme les autorisations de travaux ont déjà été données, la marge de manoeuvre du gouvernement est plus limitée et devrait passer par la négociation.

«Sous l'autorité du premier ministre, nous allons réunir sans délai les industriels détenteurs de ces autorisations d'exploration sur l'huile de schiste», a expliqué mercredi la ministre de l'Écologie.

«Mon objectif est clair: empêcher tout travail tant que les conditions environnementales ne seront pas clarifiées», a-t-elle ajouté.