Les cours du pétrole ont dépassé à Londres le seuil des 100 $ US le baril, qui n'avait plus été franchi depuis plus de deux ans, poussé par les inquiétudes persistantes sur la situation en Égypte, mais les analystes restaient prudents sur la pérennité de cette hausse.

Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mars a clôturé à 101,01 $ US sur l'InterContinental Exchange (ICE) de Londres, en hausse de 1,59 dollar, après avoir atteint 101,73 $ US, un niveau sans précédent depuis le 1er octobre 2008.

Le New York Mercantile Exchange (Nymex), le baril de «light sweet crude» (WTI) pour la même échéance a gagné 2,85 dollars à 92,19 $ US, également au plus haut depuis plus de deux ans.

«C'est l'inquiétude sur les manifestations en Egypte qui a propulsé le Brent au-dessus des 100 $ US», a commenté Myrto Sokou, analyste de la maison de courtage londonienne Sucden Financial.

Des dizaines de milliers de personnes manifestaient sans relâche lundi au Caire pour réclamer le départ du président Hosni Moubarak, malgré l'annonce d'un nouveau gouvernement et à la veille de marches géantes, signe que le mouvement de contestation ne faiblit pas.

«Les investisseurs craignent que ce mouvement de révolte ne nourrisse l'instabilité politique et économique au Moyen-Orient, et la possible fermeture du canal de Suez qui se profile désormais à l'horizon», relevait Mme Sokou.

Si l'Egypte n'est pas un producteur essentiel, le pays représente un carrefour important pour le transport de pétrole et une route stratégique pour acheminer le brut du Moyen-Orient.

Plus d'un million de barils de brut transitent ainsi chaque jour de la mer Rouge à la Méditerranée par le canal de Suez, et ce dernier est doublé de l'oléoduc Suez-Méditerranée (Sumed) qui convoie également un million de barils de brut par jour (mbj).

«À la lumière de l'incertitude qui règne sur ces deux voies importantes, et des dangers de contagion de la contestation politique dans la région, la hausse des cours liée à cette montée des risques paraît justifiée», a indiqué à l'AFP Filip Petersson, analyste de la banque SEB.

Cependant, «si la situation s'apaisait en Égypte, il est probable que le cours du Brent repartirait à nouveau à la baisse», a-t-il estimé, relevant que le marché était fragile, avec notamment un adoucissement des températures en Europe.

Pour Torjorn Kjus, analyste de DnB NOR, la fièvre des cours devrait être mesurée: «l'effet d'une fermeture du canal et de l'oléoduc Sumed sur les prix devrait être limitée à 10 dollars par baril», d'abord parce que les stocks stratégiques des pays industrialisés «sont assez importants pour couvrir une perte de 3 mbj pendant 520 jours», a-t-il relevé.

De même, les stocks de pétrole brut aux États-Unis restent abondants: ils ont bondi de plus de 7 millions de barils sur les deux dernières semaines, et les réserves du principal centre de stockage du pays, le terminal de Cushing (Oklahoma, Sud), sont proches de la saturation.

Cette abondance des stocks explique l'écart persistant entre le brut texan WTI, référence du marché new-yorkais, et le Brent londonien, une différence qui se réduisait lundi mais qui restait importante, autour de 10 $ US.

Par ailleurs, les larges capacités de production non utilisés de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) pourraient être mises à profit en cas de crise, a ajouté M. Kjus.

«Il y a un risque de pénurie réelle» si les routes pétrolières stratégiques de l'Égypte venaient à être coupées, a reconnu lundi le secrétaire général Abdallah Salem El-Badri, tout en précisant que l'Opep «réagirait» si tel était le cas.