L'ancien premier ministre Lucien Bouchard vole au secours de l'Association pétrolière et gazière du Québec et prend le relais d'André Caillé à sa tête. Pour une rare fois, c'est l'opposition qui a semblé prise de court par cette nomination.

Devant un gouvernement qui durcit le ton, André Caillé recrute l'ex-premier ministre Lucien Bouchard pour venir à la rescousse de l'industrie et lui succéder à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec.

«M. Bouchard a démontré qu'il avait de grandes qualités de concertation», a affirmé M. Caillé à La Presse.

M. Bouchard entrera en fonction le 21 février, sept jours avant que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ne remette son rapport sur le «développement durable de l'industrie du gaz de schiste» au gouvernement.

Premier ministre du Québec de 1996 à 2001, M. Bouchard a depuis pratiqué le droit dans un grand cabinet montréalais. Il a en outre publié en 2005 le manifeste Pour un Québec lucide, avec 11 autres personnalités.

Dans un communiqué, l'APGQ rappelle que Lucien Bouchard a été ministre fédéral de l'Environnement. Il a par la suite fondé le Bloc québécois, en 1991.

M. Bouchard n'a pas accordé d'entrevue hier. «Je vois la découverte au Québec de volumes importants de gaz naturel comme un atout très important pour notre développement économique et le financement des missions de notre État», affirme-t-il dans ce communiqué.

«En même temps, je suis tout à fait conscient de la nécessité de procéder à ce développement dans le plein respect d'exigences exemplaires du point de vue de l'environnement, de la sécurité publique, de la transparence et de l'acceptabilité sociale. S'impose également la nécessité de faire de ce développement une contribution réelle à l'enrichissement public et non pas seulement privé.»

Pendant son mandat comme premier ministre, M. Bouchard a eu à gérer un épineux dossier qui s'apparente à celui du gaz de schiste: la construction de la ligne à haute tension Hertel-Des Cantons, en Montérégie et en Estrie.

Ce chantier, lancé dans l'urgence de la crise du verglas, en 1998, avait été jugé illégal l'année suivante par la Cour supérieure, une semaine après la fin des travaux.

Un groupe de citoyens de l'Estrie avaient prouvé devant le tribunal que le gouvernement Bouchard avait illégalement suspendu par décret trois lois portant sur la qualité de l'environnement, l'aménagement et l'urbanisme ainsi que la protection du territoire agricole au Québec.

Ces trois lois sont au coeur du débat sur le gaz de schiste, en plus de celle sur les mines.

Après le jugement, le gouvernement Bouchard avait dû adopter une loi d'exception pour valider rétroactivement la construction de cette ligne controversée.

«Les projets de ligne à haute tension sont toujours difficiles, a dit M. Caillé, hier. Les projets énergétiques faciles, je ne connais pas ça. Et ça va continuer.»

M. Caillé et M. Bouchard sont devenus amis pendant la crise du verglas, au cours de laquelle des pannes de courant avaient paralysé la majeure partie du Québec en janvier 1998.

Chaque soir, les deux hommes faisaient le point sur la situation à la télévision, l'un en col roulé, l'autre en veston-cravate. «On a partagé les mêmes inquiétudes pendant plusieurs jours et les mêmes satisfactions à la fin», a dit M. Caillé hier.

Le mandat de M. Caillé à la tête de l'Association a été passablement houleux. Dans sa tentative de mieux faire passer les projets gaziers, il avait participé à trois réunions publiques l'automne dernier, avant de prendre du repos sur les conseils de son médecin. Dans l'intervalle, l'APGQ avait été représentée par son directeur général, Stéphane Gosselin, ancien attaché politique libéral.

Selon M. Caillé, la venue de M. Bouchard «est une très bonne nouvelle pour l'industrie et aussi pour l'ensemble des Québécois».

André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte à la pollution atmosphérique (AQLPA), estime que l'embauche de M. Bouchard «ne pourra rien changer au contexte environnemental et social». «Comme ex-ministre de l'Environnement, il devra prendre garde de ne pas minimiser les impacts environnementaux», dit-il.