Une transaction de 64 millions de dollars entre deux anciens concurrents de l'industrie du recyclage de métal tourne au vinaigre. L'homme d'affaires montréalais Herbert Black accuse son rival Jean-Guy Hamelin et le Fonds de solidarité de la FTQ de lui avoir caché les pertes financières d'une entreprise qu'ils lui ont vendue. Il les poursuit pour 15 millions.

En décembre 2007, la Compagnie américaine de Fer & Métaux, propriété de Herbert et de Ronald Black, annonce qu'elle met fin à une longue rivalité en acquérant la Société nationale de ferrailles (SNF), qui appartient aux frères Jean-Guy et Bernard Hamelin. Les deux entreprises se livraient une concurrence féroce depuis une vingtaine d'années.

Trois ans plus tard, M. Black accuse son ancien concurrent et le bras financier de la FTQ de l'avoir trompé. Informations financières cachées, fausses représentations, documents détruits, il leur réclame plus de 15 millions pour compenser ses pertes.

«J'avais le sentiment que M. Hamelin avait conclu une entente avec moi, qu'il avait des obligations et qu'il en était conscient», a indiqué l'homme d'affaires depuis son bureau.

«À sa grande surprise, le plaignant a découvert que SNF a encaissé des pertes d'exploitation substantielles, complètement au-delà des attentes pour cette industrie, une moyenne de 2,925 millions par mois pendant les mois d'octobre, novembre, décembre 2007 et janvier 2008», peut-on lire dans la poursuite qu'il a déposée la semaine dernière en Cour supérieure.

M. Black affirme qu'il n'a jamais été informé de telles pertes avant d'acquérir SNF. Il dit avoir découvert plusieurs autres «irrégularités» après avoir pris le contrôle de l'entreprise. Il accuse les anciens administrateurs d'avoir versé près de 750 000 $ en primes à des cadres et à des employés entre la conclusion de la vente et sa prise en charge par Herbert Black, alors même que l'entreprise perdait près de 3 millions par mois.

Mais, surtout, affirme Herbert Black, Jean-Guy Hamelin lui a vendu SNF en sachant qu'une part de ses installations de Laval ne respectait pas les règlements de zonage municipaux ainsi que la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. Et puisqu'il refuse de l'aider à normaliser sa situation auprès des autorités, Herbert Black dit n'avoir d'autre choix que de déménager les installations, ce qui lui coûtera 4,6 millions.

Comme le Fonds de solidarité de la FTQ était actionnaire de SNF, il le tient également responsable de la situation.

«Allégations frivoles»

«Toutes les allégations qui viennent de M. Black sont frivoles, abusives et dénuées de tout fondement», a affirmé M. Hamelin, joint par La Presse Affaires.

L'entrepreneur souligne qu'il n'en est pas à son premier litige avec son ancien concurrent. Pas plus tard que le 29 avril dernier, la Cour supérieure a condamné M. Black à verser plus de 4 millions à M. Hamelin en lien avec une autre transaction entre eux, une décision qui a depuis été portée en appel.

«Dans ce dossier, ils nous ont poursuivis pour ne pas avoir à respecter leurs engagements, a indiqué M. Hamelin. Ils font la même chose dans le dossier SNF trois ans plus tard.»

La porte-parole du Fonds de solidarité de la FTQ, Josée Lagacé, a refusé de commenter l'affaire, puisque la cause n'a pas encore été entendue par le tribunal.

En 2005, Herbert Black a accusé son rival de financer un groupe environnemental qui s'opposait à l'implantation de son centre de déchiquetage de carcasses automobile près de la rivière Etchemin, non loin de Québec. Il a embauché des détectives privés pour filer l'environnementaliste André Belisle, qu'il a plus tard poursuivi pour 5 millions. Cette action a été qualifiée de poursuite-bâillon (SLAPP) par le militant.

M. Hamelin s'est lui aussi retrouvé au coeur d'une controverse, à l'automne 2009, lorsqu'il a rasé 12 hectares de milieu humide sans autorisation sur l'un de ses terrains, dans l'est de Laval.