Après avoir longtemps été une cible de choix pour les écologistes, l'industrie des pâtes et papiers met les bouchées doubles pour réduire son empreinte carbone. Elle s'est fixé l'objectif d'éliminer complètement l'utilisation d'énergies non renouvelables dans ses activités. Possible? Pas sûr, disent des acteurs de l'industrie.

Après Domtar [[|ticker sym='T.UFS'|]], jeudi dernier, c'était au tour de Tembec [[|ticker sym='T.TMB'|]] d'annoncer hier un investissement pour réduire sa consommation d'énergie fossile et ses émissions de gaz à effet de serre. À grand renfort d'aide publique, les annonces de ce genre se multiplient et les entreprises réduisent petit à petit leur consommation de mazout et de gaz naturel.

Au Canada, l'énergie renouvelable représente déjà 60% de la consommation totale d'énergie des fabricants de pâtes et papiers, selon l'Association des produits forestiers du Canada.

Cette moyenne recouvre toutefois des réalités très différentes. En Colombie-Britannique, la part des énergies renouvelables est estimée à 75% et, au Québec, à seulement 24%.

Si on prend en compte l'électricité, une ressource renouvelable fortement utilisée dans les usines québécoises, le portrait change radicalement. Les producteurs québécois sont avantagés, avec une part de seulement 10% de combustibles fossiles dans leur bilan énergétique, comparativement à 12% en Colombie-Britannique et 15% en moyenne au pays.

«Le Québec a un avantage en Amérique du Nord à cause de l'hydroélectricité utilisée dans les usines», estime Pierre Vézina, responsable des dossiers énergétiques au Conseil québécois de l'industrie forestière.

Selon lui, il est possible d'envisager la disparition des combustibles fossiles dans les usines québécoises de pâtes et papiers. «On est capables, oui, mais ça reste une question de coûts», dit-il.

Le contexte difficile de l'industrie et le bas prix actuel du gaz naturel n'incitent pas les entreprises à se tourner vers des énergies renouvelables plus coûteuses, comme la biomasse.

Encore faut-il avoir accès à cette biomasse. Pour une entreprise comme Cascades, qui n'a pas d'activités forestières, cette avenue est impossible.

Malgré tous ses efforts pour réduire sa consommation, Cascades ne prévoit pas pouvoir éliminer le gaz naturel, qui compte pour 40% de sa consommation totale d'énergie, a indiqué hier la responsable des questions d'énergie, Émilie Allen.

«Ce n'est pas possible à envisager, surtout avec les prix très bas du gaz naturel», explique-t-elle.

Des réductions

Hier, les gouvernements de Québec et d'Ottawa ont annoncé le versement de 25 millions de dollars à Tembec pour la conversion au biogaz d'un système de séchage au mazout et le remplacement d'une chaudière au mazout par un système électrique. Ces investissements permettront d'éliminer l'émission de 62 000 tonnes de gaz à effet de serre, ou l'équivalent des émissions de 50 000 voitures.

Jeudi dernier, Ottawa a versé une subvention de 25 millions à Domtar pour augmenter l'utilisation de la biomasse et réduire la consommation de gaz naturel de son usine de Windsor, en Estrie. Le gouvernement fédéral dépensera 1 milliard de dollars pour aider les entreprises des pâtes et papiers à réduire leur consommation d'énergie fossile.

Domtar estime être en mesure de réduire sa consommation de gaz naturel de 17 millions de mètres cubes par année.

La part des énergies renouvelables continuera d'augmenter dans le bilan des fabricants de pâtes et papiers, assure le porte-parole du Conseil de l'industrie forestière.

Ce n'est pas une bonne nouvelle pour Gaz Métro, pour qui l'industrie des pâtes et papiers est un client important.

Mais il est toutefois peu probable, selon Pierre Vézina, que le gaz naturel disparaisse complètement du bilan des entreprises, surtout dans l'est du Canada. Les procédés thermomécaniques utilisés dans la majorité des usines québécoises ne produisent pas de liqueur noire qui peut être utilisée à des fins énergétiques, explique-t-il.

L'électricité, majoritairement, et le gaz naturel, en complément plus ou moins important, continueront donc d'alimenter les usines au Québec.