Les prix des aliments ont si fortement grimpé à l'échelle mondiale depuis juin qu'ils dépassent maintenant le sommet atteint pendant la crise alimentaire de 2008. Les consommateurs canadiens n'ont pas à craindre de choc à l'épicerie, mais plusieurs pays pauvres sont de nouveau vulnérables.

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L'indice du prix des aliments de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a touché 214,7 en décembre, comparativement au record précédent de 213,5 en juin 2008. Après avoir affiché une certaine stabilité dans la première moitié de l'année, il a bondi de 31,9% dans la seconde. Les denrées comme le sucre, les céréales et les huiles ont vu leur prix augmenter de plus de 55% depuis juin. Le sous-indice du sucre et celui des viandes sont à des niveaux records.

En 2008, une situation semblable avait mené à des émeutes graves dans plus d'une trentaine de pays pauvres.

«Dans certains pays, le prix élevé des aliments est un facteur de stress important», explique Stéfane Marion, économiste en chef à la Banque Nationale. La part du budget des ménages consacrée à l'alimentation y est beaucoup plus forte qu'ici.

Le professeur Bruno Larue, titulaire de la chaire de recherche du Canada en commerce international agroalimentaire à l'Université Laval, croit qu'il n'y aura pas de panique mondiale comme en 2008. «J'espère qu'on a appris les leçons. Il y avait eu de la spéculation, et certains pays avaient déclenché des embargos sur leurs exportations de nourriture en attendant des prix plus élevés», rappelle-t-il.

Les pays défavorisés peuvent aussi trouver un certain réconfort à l'idée que, cette fois, le prix du riz n'a pas explosé. Il est environ 30% plus bas qu'en juin 2008.

De courte durée?

La hausse des prix des derniers mois est largement explicable par des événements météo défavorables dans les secteurs des céréales et du sucre. Dans le cas du blé, par exemple, des incendies ont détruit des récoltes en Russie et de trop fortes pluies ont affecté les rendements dans l'Ouest canadien. Ces éléments ponctuels font que la hausse des prix n'est pas durable, soutient Kenrick Jordan, économiste principal chez BMO Marchés des capitaux.

«Il devrait y avoir une réponse rapide des producteurs qui va permettre d'ajuster l'offre», précise M. Jordan. Il prévoit une rechute des prix dans un proche avenir, comme ce fut le cas en 2008.

Pas de choc à l'épicerie

Malgré la hausse de prix sur le plan mondial, les consommateurs canadiens ne devraient pas subir de choc à l'épicerie demain matin. En 2008, l'indice des prix à la consommation du Canada avait mis beaucoup de temps à s'ajuster à la hausse du prix des denrées. «Ça s'était fait en douce», note Bruno Larue.

Il faut dire que les consommateurs d'ici achètent beaucoup d'aliments «transformés ou surtransformés», explique M. Larue. De sorte que le coût de la matière première ne représente qu'une petite fraction du prix de vente des produits. Une hausse du coût des denrées a donc beaucoup moins d'impact sur les tablettes. C'est tout différent dans les pays sous-développés.

La tendance lourde est toutefois à l'augmentation du prix relatif de l'alimentation par rapport aux autres produits, estime Sébastien Lavoie, économiste à la Banque Laurentienne. La croissance démographique mondiale assurera une pression à la hausse sur le prix, même dans les pays industrialisés.

L'indice du prix des aliments de la FAO est basé sur le prix de 55 denrées ou produits alimentaires. La mesure de l'indice est relative à la moyenne des prix de 2002 à 2004 (valeur 100). En ajustant pour l'inflation, le prix des aliments reste aujourd'hui deux fois moins cher qu'au milieu des années 70, observe Stéfane Marion.

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+31,9%

AUGMENTATION DE L'INDICE DES PRIX ALIMENTAIRES DE L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES POUR L'ALIMENTATION ET L'AGRICULTURE DEPUIS JUIN

+76,9%

AUGMENTATION DE L'INDICE DES PRIX DU SUCRE DEPUIS JUIN

+57,6%

AUGMENTATION DE L'INDICE DES PRIX DES CÉRÉALES DEPUIS JUIN

+56,5%

AUGMENTATION DE L'INDICE DES PRIX DES HUILES DEPUIS JUIN