Alors que le gouvernement fédéral a sauvé PotashCorp des griffes d'un acheteur anglo-australien, il envisage d'assouplir les règles d'investissement étranger dans le secteur de l'uranium. Et la Saskatchewan, capitale mondiale de la production uranifère, est sur la même longueur d'onde.

Le gouvernement Harper avait indiqué son intention dans le discours du Trône de mars dernier. «Tout en protégeant la sécurité nationale, notre gouvernement veillera à ce qu'aucun règlement inutile ne nuise à la croissance de l'industrie canadienne de l'extraction minière de l'uranium en soumettant indûment l'investissement étranger à des restrictions.»

Le député conservateur Brad Trost, de Saskatoon-Humboldt, a par la suite présenté un projet de loi privé allant dans ce sens, mais ce projet n'a pas encore progressé à la Chambre des communes.

Les règles actuelles empêchent des actionnaires étrangers de posséder plus de 49 % d'une société productrice d'uranium. Le gouvernement peut accorder des exemptions, comme celle qui permet à la société française Areva d'exploiter la mine McClean.

La Saskatchewan, qui s'est âprement battue pour faire avorter la prise de contrôle de PotashCorp, est cette fois en faveur d'un assouplissement des règles. Cela lui permettrait de redorer son blason en matière d'investissement étranger. C'est une manière de dire aux investisseurs étrangers : «Oui, nous sommes prêts à faire des affaires», a expliqué Brad Trost dans une entrevue au Globe and Mail.

Selon le premier ministre provincial Brad Wall, la différence entre cet enjeu et l'affaire PotashCorp, c'est la quantité de réserves stratégiques en jeu et le risque d'avoir pu perdre un «champion» canadien. La province ne veut d'ailleurs pas voir les règles changer pour la société saskatchewanaise Cameco, qui produit 16 % de l'uranium de la province.

Car Cameco doit appliquer des règles spéciales déterminées lors de la naissance de l'entreprise, en 1987. Aucun actionnaire étranger ne peut détenir plus de 15 % des actions, et l'ensemble des étrangers ne peut détenir plus de 25 % des droits de vote. Cela permet néanmoins à Cameco de compter sur 50 à 55 % d'actionnaires basés à l'extérieur du Canada.

Le porte-parole de Cameco, Rob Gereghty, indique que la société n'est pas opposée à un assouplissement des règles. Mais elle souhaite que le Canada obtienne la réciproque pour lui permettre d'investir dans certains pays fermés à ce chapitre, comme la Russie, la Chine, l'Inde ou le Brésil.

Impact sur les développeurs

Le président et chef de la direction de Ressources Strateco, Guy Hébert, note que les règles actuelles «limitent énormément les investissements étrangers au Canada». «C'est pour ça qu'on a perdu le premier rang des producteurs (aux mains du Kazakhstan)», ajoute-t-il.

Les sociétés d'exploration comme Strateco, qui développe un projet au Québec, ne sont pas visées par la politique de propriété étrangère. Mais cela les affecte quand même. Les investisseurs peuvent se montrer frileux à prendre le contrôle d'une société d'exploration en sachant qu'elle devra absolument trouver un partenaire canadien avant l'étape de production.

Dans le cas de Strateco, note M. Hébert, d'éventuels acheteurs d'uranium pourraient bien accepter de s'associer avec une participation minoritaire, tant qu'ils mettent la main sur une partie de la production. Mais les sociétés minières qui s'intéresseraient à Strateco voudraient prendre le contrôle de la société, soutient M. Hébert. Ce qui ne serait pas possible actuellement.