AbitibiBowater a plié les genoux le 16 avril 2009, après avoir vainement tenté de renégocier sa lourde dette. Après 18 longs mois passés sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC), l'entreprise sera bientôt de retour dans la mêlée. Pour le meilleur et pour le pire.

C'est une organisation transformée, amaigrie et plus agile, qui émerge du processus de restructuration. AbitibiBowater n'en est pas à sa première rationalisation, mais la crise actuelle l'a obligée à la diète la plus sévère de sa longue vie.

Sous la supervision d'Ernst&Young, le président et chef de la direction David Paterson et le président du conseil, Dick Evans, ont fait un boulot colossal pour tenter de donner une nouvelle vie à AbitibiBowater.

En se plaçant sous la protection de la loi, pour éviter la faillite, AbitibiBowater a surtout pu réduire de 7 milliards à 1,5 milliard la dette qui la paralysait.

Le géant du papier journal a fermé des usines, mis des milliers de travailleurs à pied, vendu des actifs et forcé ses créanciers à mettre une croix sur les milliards de dollars qui leur étaient dus.

Au Québec seulement, AbitibiBowater a fermé cinq usines, celles de Shawinigan (Belgo), Beaupré, Donnacona, Dolbeau et Gatineau, ce qui a réduit sa production de papier journal de plus de 1 million de tonnes par année.

L'entreprise a vendu tout ce qui a pu trouver preneur. Elle a récolté 615 millions en vendant à Hydro-Québec sa participation de 60% dans la centrale hydroélectrique de Baie-Comeau, et 91 millions en se départissant de 490 000 acres de terres à bois.

De façon tout à fait inattendue, Abitibi a aussi reçu 130 millions du gouvernement fédéral en guise de règlement après avoir porté plainte en vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain pour l'expropriation bâclée de ses installations par le gouvernement de Terre-Neuve.

Enfin, le gouvernement du Québec a permis à l'entreprise d'étaler les cotisations dues aux régimes de retraite de ses employés pour éponger un déficit totalisant 427 millions.

Des sacrifices

La haute direction d'AbitibiBowater, qui n'était pas reconnue pour sa frugalité, a dû participer à l'exercice de réduction des coûts. Les patrons ont renoncé à leurs primes et accepté des réductions de leurs prestations de retraite.

Ces efforts n'ont pas été jugés suffisants par certains créanciers, qui se sont opposés au paiement d'une somme de 6 millions à une cinquantaine de cadres pour les efforts consentis pendant la période de restructuration.

Il reste que la rémunération des dirigeants d'AbitibiBowater a fondu par rapport à ce qu'elle était du temps du précédent président, John Weaver, qui a encaissé 3,6 millions et 7,5 millions lors de ses deux dernières années à l'emploi de l'entreprise, en 2007 et 2008. L'actuel président et chef de la direction d'Abitibi, David Paterson, a reçu un peu plus d'un million en rémunération en 2009.

Au total, l'entreprise a réduit ses dépenses d'exploitation de 100 millions par année, grâce entre autres à une réduction de 25% des employés au siège social de Montréal.

Les travailleurs d'usines ont dû faire leur part. Ils ont avalé une réduction de 17% de leur rémunération totale, soit 10% de moins en salaires et le reste en vacances et en congé, explique Renaud Gagné, vice-président du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier.

Ça aurait pu être pire, selon lui. Ainsi, les travailleurs ont conservé leur régime de retraite à prestations déterminées, même s'il sera moins généreux. «D'autres compagnies, comme papier Fraser, ont obligé leurs employés des usines qui ferment à accepter des primes de licenciements réduites à 17 cents par dollar dû», illustre-t-il.