L'offre d'achat de BHP Billiton (BHP) pour PotashCorp (T.POT) soulève plusieurs questions au pays, à commencer par celle à laquelle doit répondre le ministre de l'Industrie Tony Clement: est-ce que la transaction est à l'avantage net du Canada? Ressources naturelles, retombées, perspectives: trois experts partagent leurs observations avec La Presse Affaires.

Sylvain Charlebois

Vice-doyen à la recherche et aux études supérieures, Université de Guelph

Que la transaction soit réalisée ou non, Sylvain Charlebois y voit déjà deux avantages. D'abord, le public canadien est éduqué sur la potasse, un enjeu de sécurité alimentaire pour le monde. Surtout, se réjouit le professeur, on fait la lumière sur l'architecture de l'industrie. Avec les autres sociétés canadiennes Agrium et Mosaic, PotashCorp fait partie de Canpotex, sorte de cartel de la potasse. Canpotex gère l'offre et maintient des prix gonflés artificiellement, selon M. Charlebois. Or, BHP a laissé entendre qu'elle quitterait Canpotex et privilégierait une autre approche basée sur le volume et une stimulation de la demande. Cela pourrait être avantageux pour le Canada, si les modalités de redevances sont adaptées en conséquence. Cela permettrait d'ouvrir de nouveaux marchés, de ne plus étouffer la demande. Notons que des informations publiées hier dans le Globe and Mail indiquent que BHP pourrait toutefois être prête à s'engager avec Canpotex, si cela lui permet d'obtenir l'accord d'Ottawa.

«L'offre de BHP Billiton procure déjà des avantages nets au Canada.»

Colin Boyd

Professeur de gestion à l'Edwards School of Business, Université de Saskatchewan

En se référant au rapport du Conference Board commandé par le gouvernement de Saskatchewan, M. Boyd ne croit pas que la transaction soit néfaste pour la province. Il ne croit pas non plus que le gouvernement bloque la transaction, mais il redoute les effets si c'était le cas. BHP pourrait renoncer à ses investissements de 12 milliards pour son projet de mine de potasse à Jansen Lake, lequel prévoit la création de 2000 emplois. Ironiquement, estime le professeur, l'opposition du premier ministre Brad Wall pourrait ainsi coûter cher à la province qu'il dirige. Selon M. Boyd, le gouvernement fédéral acceptera la transaction, puis BHP et PotashCorp sauront s'entendre pour augmenter le prix de vente de la société.

«Je ne crois pas que la transaction fasse une si grande différence.»

Louis Hébert

Professeur titulaire, HEC Montréal

Le professeur en gestion stratégique estime que le gouvernement fédéral actuel n'interviendra pas pour bloquer la transaction. Mais le débat sur les fusions et acquisitions n'en est pas moins relancé. D'autant plus qu'après la bataille entre BHP Billiton et PotashCorp, il risque d'y avoir d'autres transactions semblables dans le secteur des ressources naturelles, croit M. Hébert. Y compris pour des sociétés actives dans les sables bitumineux. «Il va sans doute falloir s'interroger sur ce type de transactions, sur les pertes d'accès aux ressources, sur les pertes fiscales. On commence à se demander si on est allé trop loin en matière de libéralisation», note M. Hébert. Selon lui, l'attitude des Canadiens sur ce sujet a commencé à changer avec l'achat d'Alcan par Rio Tinto.

«Ce n'est pas seulement une entreprise qu'on perd, mais l'accès à des ressources.»

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