Deux détaillants d'essence de l'Estrie condamnés pour avoir fixé les prix à la pompe pourront changer de camp et aider les victimes de leurs pratiques à avoir gain de cause dans le recours collectif qu'elles ont intenté.

Cette décision de la Cour supérieure rendue hier est considérée comme historique en matière de recours collectif. «Le témoignage de gens qui ont participé au cartel aidera sûrement la cause du recours collectif», a commenté hier le président de l'Association de protection des automobilistes (APA), Georges Iny.

Les deux détaillants, Gisèle Durand et Michel Dubreuil, ont déjà plaidé coupable aux accusations portées contre eux par le Bureau de la concurrence. Ils ont écopé d'une amende et d'une peine de prison à être purgée dans la communauté.

Ils ont accepté de témoigner et de remettre la preuve qui a servi à les condamner aux victimes de leurs pratiques. Ces précieuses informations étofferont la cause de ceux qui ont intenté un recours collectif contre plus de 70 détaillants d'essence. En échange, les deux détaillants ont obtenu l'immunité si le recours collectif devait être remporté par les clients lésés.

À la suite d'une longue enquête, le Bureau de la concurrence a mis au jour des complots pour fixer le prix de l'essence dans la région des Bois-Francs et de l'Estrie. Des accusations criminelles ont été portées contre près d'une centaine de détaillants de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog qui vendaient de l'essence sous les bannières Shell, Esso, Ultramar, Couche-Tard et Irving et aussi Sonic, Pétro-T et Sonerco.

Un recours collectif a été intenté par des clients et par l'Association de protection des automobilistes, au nom de tous ceux qui ont acheté de l'essence dans les commerces visés entre le 1er janvier 2002 et le 30 juin 2006. Le recours a été autorisé à la fin de 2009. Plus de 11 000 automobilistes sont déjà inscrits à ce recours collectif et un nombre beaucoup plus important pourraient avoir droit à une compensation.

Les sommes en cause sont importantes, de l'ordre de 7 à 15 millions de dollars, selon des estimations prudentes de l'APA.

Le jugement rendu hier établit que la preuve d'un procès criminel peut servir dans une poursuite civile comme un recours collectif. Il s'agit d'une première au Québec. «Le Tribunal retient que le produit des enquêtes du Bureau de la concurrence n'est pas la propriété de la Couronne, mais qu'il appartient au public qui a le droit de l'utiliser pour que justice soit rendue», a estimé la juge Dominique Bélanger.