Dans la baie de Sept-Îles, face au quai de Pointe-Noire, le navire de transbordement Atlantic Superior déverse dans un navire océanique 170 000 tonnes de concentré de fer de la mine du lac Bloom.

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En arrière-plan se dessine la ville de Sept-Îles, de l'autre côté de la baie. Comme Fermont, Sept-Îles est née du fer. «Sans la venue de la première société de fer (IOC), Sept-Îles serait restée le petit village de 900 habitants qu'elle était dans les années 40», raconte Serge Lévesque, maire de la ville de 26 000 habitants.

Et comme Fermont, Sept-Îles savoure aujourd'hui les retombées d'un «essor sans précédent du marché du fer», pour reprendre les mots du président-directeur général du port de Sept-Îles, Pierre Gagnon.

En six mois à peine, au début de l'année, la minière Consolidated Thompson (CLM) a bâti ses infrastructures d'expédition au quai de Pointe-Noire, près de l'usine de Mines Wabush. Quelque 500 travailleurs et plusieurs entreprises de Sept-Îles ont participé aux travaux de 150 millions.

C'est à Pointe-Noire que le concentré de fer de CLM arrive de son voyage depuis la mine du lac Bloom, à Fermont. Chaque wagon est tourné à l'envers par un déverseur construit par Metso, à Lachine. L'entasseur-récupérateur, lequel manipule le minerai en attendant le chargement, ressemble à un gros manège d'un parc d'attractions. Au moment de notre visite, en août, les bâtiments ne sont pas encore terminés, mais les infrastructures portuaires sont fonctionnelles et le minerai peut être expédié.

«C'est encourageant d'enfin encaisser des revenus après cinq ans de travail», dit le président et chef de la direction de CLM, Richard Quesnel, qui discute avec La Presse Affaires au bout du quai.

Et c'est heureux pour Sept-Îles, qui vogue déjà sur le projet de la Romaine et sur le succès de l'aluminerie Alouette. Une vingtaine d'employés permanents feront fonctionner le terminal de CLM, note le maire de Sept-Îles. L'industrie du transport et de la manutention va également profiter du plan d'expansion d'IOC à Labrador City, puisque les matériaux passeront par Sept-Îles. Surtout, la progression de l'industrie minière permettra de maximiser les activités ferroviaires et portuaires, se réjouit M. Lévesque.

Croissance de 200% au port

Le port de Sept-Îles, dont le fer représente 85% du trafic, est en grand bouleversement. Le port expédie actuellement près de 24 millions de tonnes par année. D'ici trois ans, 30 millions de tonnes de plus arriveront de la zone de Fermont-Labrador City, puis de Schefferville, où New Millenium Capital Corp. (NML) et Labrador Iron Mines Holdings exploitent des projets sur les anciens gisements d'IOC.

Et si deux mégaprojets de NML se concrétisent (KéMag et LabMag), c'est 22 millions de tonnes qui s'ajouteront encore en 2016, portant le total à près de 80 millions de tonnes par année. Le port de Sept-Îles, premier port minéralier d'Amérique du Nord, devra gérer en quelques années une croissance qui équivaut à deux fois le volume annuel du port de Montréal, fait remarquer le PDG Pierre Gagnon.

Les installations du port ne sont toutefois pas à la hauteur pour soutenir une telle croissance. «Il faut desservir de plus grands vraquiers», soutient M. Gagnon. Un projet de quai en eau profonde, qui doit être achevé en 2012, permettra de charger des navires de type Chinamax de 400 000 tonnes, contre des navires d'une capacité de 150 000 à 200 000 tonnes actuellement.

En attendant ce quai en eau profonde, le transbordement est la seule façon d'expédier le minerai vers sa destination finale, la Chine, qu'il atteindra 42 jours plus tard. Le train de CLM, de son côté, reprend la direction du nord pour emplir ses wagons de fer à la mine du lac Bloom. Il reviendra bientôt à Sept-Îles, et tournera ainsi pendant au moins 20 ans encore. La circulation n'est pas près de se résorber sur la route du fer.