La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a fait savoir hier qu'elle donnera dans les prochains jours l'autorisation attendue par Shell pour démanteler sa raffinerie, mais les syndiqués se préparent déjà à contester cette autorisation.

Hier, le juge Yves Poirier, de la Cour supérieure, a rejeté la requête en injonction permanente déposée par le syndicat qui voulait empêcher Shell de procéder à la mise au rancart de la raffinerie.

Rien ne retarde donc plus la décision gouvernementale d'autoriser Shell à démanteler sa raffinerie. « C'est une question de jours plus que de semaines au moment où on se parle », a confirmé la ministre, en marge de sa participation au Congrès mondial de l'énergie qui a pris fin hier à Montréal.

« C'est un moment qui est triste pour Montréal et pour le Québec, mais, en même temps, on a fait tout ce qu'il fallait faire pour garder la raffinerie », a-t-elle dit.

La ministre ne croit pas que le Québec pourrait connaître des problèmes d'approvisionnement en produits pétroliers avec la fermeture d'une de ses trois raffineries.

« Avec l'analyse qu'on a faite de notre côté, on ne pense pas que la sécurité des approvisionnements est hypothéquée, a-t-elle soutenu. J'aurai l'occasion de donner plus d'informations sur cet enjeu dans les prochains jours. »

À la demande des syndiqués, une firme spécialisée a estimé que les trois raffineries du Québec produisent actuellement 369 000 barils de produits finis par jour. La consommation québécoise étant de 309 000 barils par jour, ça donne un surplus de 60 000 barils par jour qui sont écoulés sur les marchés hors Québec, notamment en Ontario.

Avec la fermeture de Shell, ce surplus de 60 000 barils par jour se transformera en déficit de plus de 30 000 barils par jour, qu'il faudra importer.

Les détaillants indépendants du pétrole ne s'inquiètent pas d'une possible pénurie de produits pétroliers. « Je ne pense pas que la fermeture de Shell menace l'approvisionnement énergétique », a fait savoir leur porte-parole, Sonia Marcotte.

Ultramar est du même avis. « Contrairement à l'Ontario, qui est un marché fermé, le Québec peut importer des produits pétroliers à l'année par la voie maritime », a expliqué son porte-parole, Louis Forget.

La fermeture de Shell se traduira par une augmentation des importations, ce qui n'est pas dramatique, selon lui. Il y a suffisamment de produits finis sur le marché pour répondre aux besoins du Québec.

Les deux autres raffineries québécoises, Ultramar et Suncor (Petro-Canada), qui ne produisent pas à pleine capacité, pourraient aussi augmenter leur production si la demande le justifie, a-t-il avancé.

Vendre ou pas

Cette semaine, au cours de son passage au Congrès mondial de l'énergie, le grand patron de Shell a répété que l'entreprise avait fait tout ce qu'il fallait pour trouver un acheteur.

Le syndicat n'en croit rien et entend contester l'autorisation du gouvernement en invoquant la sécurité des approvisionnements du Québec.

Selon un des membres du comité de survie de la raffinerie, Claude Delage, de la firme IBS Capital, quatre acheteurs seraient toujours intéressés par les installations de Shell.

En plus de Delek Holding, l'entreprise israélienne qui a négocié sans succès un terrain d'entente avec Shell, une firme albertaine, Symmetry Assets Management, et deux américaines, Blue Wolf Capital Partners et PBF Energy, se sont intéressées à la raffinerie de Montréal.

PBF Energy vient de conclure l'acquisition d'une raffinerie de Valero (Ultramar) au Delaware.

Shell, de son côté, a vendu une de ses raffineries européennes à un fonds d'investissement, Klesch & Company, alors qu'elle a refusé de considérer des offres venant de ce type d'acheteurs pour sa raffinerie de Montréal.