Avec le congrès mondial de l'énergie (12 au 16 septembre) qui s'amorce à Montréal, les débats sur l'énergie seront encore plus brûlants qu'à l'habitude au Québec cette année. Ces discussions sont presque toujours dominées par la production d'énergie: gaz de schiste, nouveaux barrages, forage dans le golfe du Saint-Laurent... il semble qu'il en faut toujours davantage.

La consommation d'énergie, en plus, est souvent considérée comme acquise, et forcément croissante. Pourtant, notre consommation n'est pas toujours la plus efficace: des réductions importantes pourraient être réalisées, notamment en électricité.

Si certains prônent de changer radicalement notre style de vie pour consommer moins d'énergie, il est possible de continuer à bénéficier d'une grande qualité de vie (même meilleure!) tout en utilisant une fraction de notre consommation actuelle. Pour obtenir de telles réductions, des programmes et des investissements en efficacité énergétiques sont possibles.

Bien que déjà beaucoup d'individus et d'entreprises mènent spontanément de telles actions, sans toujours se soucier de leur rentabilité, les questions financières ne peuvent être ignorées: le développement durable ne se fera pas sans une saine gestion financière.

Le prix de l'énergie, dans ce contexte, joue un rôle central en matière d'efficacité énergétique et dans le coût des programmes qui visent à la favoriser.

En 2008, au Québec, les programmes d'efficacité énergétique ont représenté des dépenses de 314 millions de dollars, soit plus de 40$ par Québécois. Ces dépenses se font dans le cadre du plan d'ensemble en efficacité énergétique et nouvelles technologies mis en oeuvre par l'Agence de l'efficacité énergétique (AEE), Gaz Métro, Gazifère, le Fonds en efficacité énergétique et Hydro-Québec Distribution.

La majorité des dépenses, 288 millions, ont été faites en électricité. Le total des économies d'électricité mesurées de 2008 a atteint 1,2 TWh, alors que la consommation au Québec était de 195,7 TWh. C'est donc dire que la société québécoise a dépensé plus de 24¢/kWh économisé pour réduire sa consommation d'électricité de 0,62%.

»L'effet rebond»

Si ce coût peut paraître élevé en regard du prix de l'électricité (au plus 7,51¢/kWh pour la plupart des clients résidentiels en 2010), il faut comprendre que les économies d'énergie calculées sont en principe récurrentes. Par exemple, l'installation de thermostats électroniques doit générer des économies pendant plusieurs années, pas uniquement l'année où la dépense a été faite.

Par contre, installation et utilisation sont deux choses différentes, et les économies anticipées peuvent ne pas se réaliser. L'usage accru d'équipements plus efficaces peut aussi diminuer les gains initialement comptabilisés: étant moins énergivores, on les utilise davantage -ce qu'on appelle «l'effet rebond».

Le prix de l'énergie est important pour promouvoir l'efficacité énergétique à deux égards. Tout d'abord, il offre un incitatif direct à limiter sa consommation, ce qui réduit la nécessité pour la société de subventionner l'efficacité énergétique. Les consommateurs, en diminuant les quantités utilisées, font moins d'économie si l'électricité est moins chère. Par exemple, une ampoule fluocompacte faisant économiser 450 kWh durant sa vie utile fait épargner 33,80$ en électricité au consommateur québécois (7,51¢/kWh), mais 52,46$ à Toronto où le prix est de 11,65¢/kWh. L'économie moins importante offre un incitatif moindre au consommateur québécois.

Tarifs

Le prix est aussi important dans la justification même des programmes d'efficacité énergétique. Ceux-ci, en effet, appellent à des dépenses qui sont rentables sur la base de la valeur des économies récurrentes prévues. Ainsi, dans la conception des programmes d'efficacité énergétique, un calcul est fait pour établir la valeur des économies d'énergie. Une méthodologie standard est utilisée, suivant un protocole international de mesure et de vérification du rendement établi par l'Efficiency Valuation Organization.

Dans ce protocole, le prix de la société vendant l'électricité est utilisé pour établir la valeur totale des économies d'énergie. C'est en regard de cette valeur que les dépenses en efficacité énergétique sont justifiées ou non. Ainsi, plus le prix est bas, moins la valeur est grande et plus les dépenses en efficacité énergétique sont ardues à motiver.

Si la variable «prix» est loin d'être la seule expliquant la consommation d'énergie, son rôle est indéniable en efficacité énergétique. Plus le prix est bas, plus elle est difficile à réaliser et plus des subventions sont nécessaires. Non seulement les bas prix diminuent les revenus pour les propriétaires des ressources (le gouvernement du Québec dans le cas de l'hydroélectricité), mais ils obligent aussi à dépenser des sommes plus importantes pour soutenir les efforts d'efficacité énergétique. C'est une double perte pour la société. Dans tous les débats énergétiques, il est donc primordial de privilégier un prix reflétant la valeur de l'énergie -pour ne pas artificiellement gonfler notre consommation.

En continuant sur notre trajectoire actuelle, nous ne faisons que rendre nécessaires davantage de projets controversés, aux conséquences environnementales et sociales problématiques, sans même être utiles d'un point de vue économique.

Pierre-Olivier Pineau (pierre-olivier.pineau@hec.ca) donnera une conférence jeudi à 13h au Congrès mondial de l'énergie Montréal 2010 (complexe Desjardins). Il est aussi membre du comité scientifique des Rendez-vous de l'énergie (www.rdvenergie.qc.ca).