Si c'était à refaire, le premier ministre de Terre-Neuve Danny Williams exproprierait encore AbitibiBowater, même si cette décision vient de coûter 130 millions aux contribuables canadiens.

«Nous sommes très très contents», a dit M. Williams lors d'un point de presse à Saint John's qui a été relayé par les agences de presse. Il a précisé que sa décision d'exproprier AbitibiBowater est une de celles dont il est le plus fier.

À la suite de la décision d'Abitibi de fermer son usine de GrandFalls, à Terre-Neuve, le gouvernement de Danny Williams s'est dépêché d'exproprier tout ce qui appartenait à l'entreprise, c'est-à-dire les territoires de coupe, les centrales hydroélectriques et l'usine elle-même.

AbitibiBowater a rétorqué en poursuivant le Canada en vertu du chapitre 11 de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) pour des dommages estimés à 500 millions. Même si Abitibi est une entreprise canadienne dont le siège social est à Montréal, elle est incorporée dans l'État américain du Delaware depuis sa fusion avec Bowater en octobre 2007. De ce fait, il lui était possible d'utiliser les recours prévus à l'ALENA.

Le porte-parole d'Abitibi, Jean-Philippe Côté, a expliqué hier que l'ALENA était le seul recours possible, puisque la loi votée en catastrophe par Terre-Neuve privait l'entreprise de tout autre recours.

Ottawa a accepté de payer 130 millions à Abitibi, qui réclamait 500 millions, afin d'éviter de longues procédures qui auraient coûté encore plus cher au Trésor public.

Hier, le premier ministre de Terre-Neuve a dit qu'il ne s'attendait pas à ce que le gouvernement fédéral lui demande de rembourser en tout ou en partie cette somme. Ce sont donc tous les contribuables canadiens qui paieront pour l'accès de colère de Danny Williams.

Mais les contribuables de Terre-Neuve pourraient aussi devoir sortir de l'argent de leur poche. Dans sa hâte, leur gouvernement a exproprié les terres et les installations hydro-électriques d'Abitibi, mais aussi l'usine elle-même, dont il ne voulait pas du tout.

Il s'agit en effet d'une usine centenaire, dont les frais d'entretien sont à la charge du gouvernement terre-neuvien depuis l'expropriation et qui exigera des millions supplémentaires pour la décontamination des terrains qu'elle occupe.

Le premier ministre William a déjà admis que l'usine avait été expropriée «par erreur». Il tente depuis de forcer AbitibiBowater à payer pour la réhabilitation du site même si elle en a été dépossédée par son propre gouvernement. Deux fois déjà, sa réclamation a été rejetée par les tribunaux. Le gouvernement veut maintenant s'adresser à la Cour suprême pour obtenir gain de cause.

Après avoir payé la note de l'expropriation d'AbitibiBowater, Ottawa sera peut-être moins réceptif à la demande du gouvernement de Terre-Neuve qui veut l'aide financière fédérale pour construire une ligne électrique sous-marine entre sa province et la Nouvelle-Écosse.

Terre-Neuve réclame une contribution fédérale de 375 millions pour construire ce lien qui lui permettrait d'acheminer l'électricité de son projet hydro-électrique du Bas-Churchill vers les provinces maritimes et éventuellement, vers les marchés du nord-est des États-Unis.