Le premier ministre Jean Charest a exprimé jeudi le souhait que la signature d'un contrat d'électricité de plus de 2 milliards $ avec le Vermont incite d'autres États américains à conclure des ententes à long terme avec Hydro-Québec.

Le contrat annoncé jeudi prévoit la vente de 225 mégawatts aux distributeurs d'électricité de l'État limitrophe pendant la période allant de 2012 à 2038. Il a été signé à Essex, près de Burlington, en présence de M. Charest, du gouverneur du Vermont, James Douglas, et des dirigeants du Central Vermont Public Service et de Green Mountain Power. Cette dernière appartient à l'entreprise montréalaise Gaz Métro [[|ticker sym='T.GZM.UN'|]].

Le contrat de base n'accroîtra pas substantiellement les exportations d'Hydro-Québec: la société d'État vend déjà plus de 200 mégawatts au Vermont en vertu d'un contrat signé en 1987 et qui expire en mars 2012. Hydro continuera donc de répondre à plus du quart des besoins en électricité du petit État.

Le gouverneur Douglas a toutefois indiqué jeudi que le contrat permettait au Vermont d'augmenter ses achats au fil des ans. Montpelier se laisse ainsi une marge de manoeuvre, puisque les élus hésitent actuellement à renouveler le permis de la centrale nucléaire Vermont Yankee, qui procure près des trois-quarts de l'électricité que l'État consomme.

Le contrat n'établit pas un tarif fixe par kilowattheure, mais plutôt un prix qui variera en fonction des cours de l'électricité sur les marchés et de l'inflation. On évalue actuellement que le prix de départ, pour les livraisons en 2012, sera de six cents le kilowattheure, soit pratiquement le même prix que le Vermont paie actuellement à Hydro-Québec. Le tarif exact pour 2012 sera établi en décembre.

«Le contrat suivra les prix du marché, mais il protégera aussi les consommateurs du Vermont contre d'importantes fluctuations annuelles (à la hausse comme à la baisse)», a expliqué le président-directeur général d'Hydro-Québec, Thierry Vandal.

«Nous pensons que c'est bon pour tout le monde: les consommateurs du Vermont et Hydro-Québec», a-t-il ajouté.

«Ça nous permet de planifier à long terme et c'est un contrat qui permet aux Québécois de s'enrichir», a soutenu M. Charest.

M. Vandal a assuré que l'entente allait être rentable pour Hydro même si la production des projets hydroélectriques en construction, notamment celui de la rivière Romaine, sur la Côte-Nord, coûtera en moyenne 10 cents le kilowattheure. Il a souligné que le prix de six cents valait pour 2012 et qu'il était susceptible d'augmenter avec les années.

En 2009, chaque kilowattheure produit par Hydro-Québec lui a coûté, en moyenne, à peine deux cents, grâce surtout à la grande efficacité des grands barrages de la Baie-James et du Labrador. Quant au prix moyen obtenu par le biais des exportations, il atteignait 6,2 cents le kilowattheure au cours des trois premiers mois de 2010.

Énergie verte

Le contrat prévoit qu'Hydro-Québec et les sociétés d'électricité du Vermont se partageront les revenus éventuels qui pourraient découler de la reconnaissance comme énergie renouvelable, aux États-Unis, de l'électricité produite par les grands barrages.

Plus tôt cette année, le Vermont a adopté une loi qui accorde cette reconnaissance. MM. Douglas et Charest pressent actuellement Washington de faire de même, ce qui se traduirait par des avantages fiscaux pour les distributeurs américains et Hydro-Québec. Le gouverneur a même abordé la question avec le président Barack Obama au cours des derniers mois. Mais pour l'instant, l'enjeu est loin de figurer dans les priorités du Congrès.

«Nous voyons (la reconnaissance de l'électricité d'Hydro-Québec comme énergie renouvelable) comme une occasion pour nous de conclure des contrats à long terme, puisque la grande hydraulique ne ferait alors plus l'objet de discrimination sur le plan législatif (contrairement aux énergies fossiles)», a déclaré Jean Charest.

Le contrat avec le Vermont est l'un des rares accords à long terme conclus par Hydro-Québec. Dans les années 1990, l'État de New York avait mis fin aux négociations en vue de signer une telle entente dans la foulée de la controverse entourant le projet hydroélectrique de Grande-Baleine.

Hydro exporte régulièrement sur les marchés à court terme. C'est une activité payante, mais dont les revenus sont très variables d'un mois à l'autre.

La société d'État pilote actuellement, avec deux sociétés américaines, le projet de construction d'une ligne de transport de 1200 mégawatts qui passerait à travers le New Hampshire et qui permettrait d'accroître les exportations dans plusieurs États, dont celui de New York. Québec aimerait également utiliser la nouvelle interconnexion de 1250 mégawatts avec l'Ontario pour exporter vers le Midwest américain.

«Les États-Unis ne pourront pas se transformer en économie à faibles émissions de carbone sans cette énergie (venant du Canada)», a martelé M. Charest.

Des écologistes du Vermont ont cependant dénoncé la désignation de l'électricité d'Hydro-Québec comme énergie renouvelable, rappelant que la société d'État exploite une centrale nucléaire et qu'elle n'a pas un bilan environnemental sans tache.

Une entente de principe avait été signée avec le Vermont en mars dernier à Québec et l'accord définitif devait être conclu avant la fin juillet. Des problèmes de dernière minute ont empêché les parties de respecter l'échéance. Aucune modification importante n'aurait toutefois été apportée à l'entente initiale.

Le contrat doit être approuvé par les autorités vermontoises. On peut s'attendre à ce que des citoyens de l'État demandent à obtenir plus de détails sur l'accord. Jusqu'ici, Hydro-Québec a refusé d'en divulguer davantage en invoquant des raisons commerciales.