La direction de Shell Canada fait paraître dans les journaux une publicité sous forme de lettre, vendredi matin, afin de justifier sa décision de transformer sa vieille raffinerie de Montréal-Est en un terminal d'importation.

La présidente de Shell Canada, Lorraine Mitchelmore, écrit que le maintien des activités de raffinage aurait nécessité des investissements que l'entreprise juge trop importants, de quelque 600 millions de dollars.

Mme Mitchelmore reconnaît que plusieurs offres ont été soumises pour l'achat des installations de Montréal-Est. Elle soutient toutefois que tous les intéressés se sont retirés, principalement en raison des coûts, et qu'ils ne voulaient pas faire les investissement nécessaires.

La raffinerie de Montréal-Est est en opération depuis 77 ans.

Voici la lettre en question:

Lettre ouverte de Shell au sujet de la raffinerie de Montréal-Est

L'annonce que nous allions transformer notre raffinerie de Montréal-Est en un terminal d'importation a donné lieu à un grand nombre d'articles et de déclarations publiques. Pour Shell, il s'agissait d'une décision très difficile, prise au terme d'efforts considérables en vue de vendre la raffinerie.

Je sais à quel point cette situation est difficile pour les employés de la raffinerie et pour d'autres personnes qui ont un avantage économique dans son exploitation. Leur option privilégiée était de garder la raffinerie ouverte, et vendre la raffinerie en exploitation était également l'option privilégiée de Shell.

En juillet 2009, dans le cadre d'une évaluation continue de ses raffineries partout dans le monde, Shell a entrepris une étude stratégique de la raffinerie de Montréal-Est. D'autres entreprises internationales de raffinage ont annoncé des fermetures ou des conversions de raffineries au cours des 18 derniers mois, ce qui reflète tant la situation économique actuelle de ces établissements que les perspectives mondiales d'affaiblissement de la demande pour leurs produits. Notre étude de la raffinerie de Montréal-Est a pris en compte des éléments comme l'offre, la demande et les aspects économiques propres au secteur, la taille de la raffinerie et l'envergure de ses activités ainsi que les investissements futurs nécessaires pour assurer le maintien de son exploitation sécuritaire et fiable. L'analyse de ce dernier élément a permis de déterminer que le maintien de cet établissement allait nécessiter des dépenses en immobilisations de l'ordre de 600 M$ à court terme. Ce constat nous a donc amenés à décider de chercher un acheteur pour la raffinerie.

Plus tard en juillet 2009, nous avons communiqué publiquement notre intention de rechercher un acheteur pour cet établissement et nous avons entrepris de le commercialiser. Dans un premier temps, nous avons traité avec plus de 25 parties différentes que nous avions contactées ou qui nous avaient contactés. De ce groupe, 17 ont présenté des demandes sérieuses au sujet de l'établissement et de ses activités. Six de ces dernières ont poursuivi avec une diligence raisonnable et obtenu de l'information détaillée sur les installations et leur exploitation. Malheureusement, aucune des parties ayant étudié l'établissement n'a jugé que ce dernier justifiait un investissement, et le processus n'a donné lieu à aucune offre.

En janvier 2010, nous avons annoncé notre décision de fermer l'établissement et d'entreprendre un processus visant à convertir les installations en terminal. Nous voulions donner à notre personnel un avis raisonnable de notre décision et nous assurer de pouvoir continuer à fournir un approvisionnement constant en produits pétroliers au Québec et à l'est du Canada. Peu de temps après cette annonce, le gouvernement québécois nous a demandé, et nous avons accepté, de reporter nos plans de conversion et de travailler en collaboration avec un comité spécial créé par lui pour rechercher des acheteurs éventuels. Ce comité spécial a, semble-t-il, contacté plus d'une centaine de parties. Par suite de cet effort, cinq de ces parties ont effectué une évaluation plus détaillée de l'établissement, et elles avaient librement accès, pour discussion, au personnel de Shell chargé de la transaction. Une fois les évaluations effectuées, trois des parties se sont retirées du processus et deux autres ont présenté une déclaration d'intérêt initiale. L'une de ces dernières était une petite entreprise ne possédant aucune expérience en exploitation de raffinerie, et sa déclaration d'intérêt comportait de graves lacunes à bien des égards. Quant à la deuxième partie, il s'agissait d'un opérateur de raffinerie crédible, et nous avions bon espoir de parvenir à nous entendre sur les conditions de vente. Cependant, au terme de discussions poussées, au cours desquelles les deux parties ont agi de façon constructive et négocié de bonne foi, cette deuxième partie a malheureusement décidé de cesser les négociations.

Il semble que plusieurs facteurs aient influencé les décisions des parties intéressées. Sur le plan des coûts, tout acheteur éventuel doit être en mesure de financer un juste prix d'achat, le coût du fonds de roulement (de l'ordre de 400 à 500 M$) et les dépenses en immobilisations nécessaires (un autre 600 M$). Nous croyons comprendre que le comité spécial offrait aux parties un financement avantageux, l'acquisition d'actions dans les entreprises candidates et même des subventions directes en espèces susceptibles ou non d'être remboursées en entier. Mais en dépit des efforts considérables du comité spécial, du gouvernement du Québec et de nos employés ainsi que des incitatifs et des investissements offerts, pas un seul des quelque cent acheteurs éventuels n'a vu d'avenir acceptable pour cet établissement en tant que raffinerie et aucun ne nous a présenté d'offre finale.

Par conséquent, pour nous assurer d'être en mesure de maintenir l'approvisionnement en produits raffinés dont le Québec et l'est du Canada ont besoin, et pour offrir à nos employés la certitude et l'équité nécessaires, nous devons maintenant nous concentrer sur le processus long et complexe de conversion en terminal.

De telles décisions sont toujours difficiles. J'espère que vous voyez à quel point nous avons fait preuve de rigueur tout au long de ce processus. Nous sommes très fiers de nos 77 années en tant qu'opérateur de la raffinerie de Montréal-Est et nous nous sommes toujours efforcés de fournir en toute sécurité des produits pétroliers de qualité supérieure aux gens du Québec. Malheureusement, nous ne pouvions pas justifier les coûts importants nécessaires pour exploiter l'établissement de façon sécuritaire en tant que raffinerie à l'avenir; vraisemblablement, les acheteurs éventuels ont aussi eu des préoccupations similaires et ils n'étaient pas disposés à faire les investissements nécessaires. J'espère que ces renseignements ont permis de présenter notre décision de façon plus claire et mieux informée au bénéfice de tous les Québécois.

Sincères salutations,

Lorraine Mitchelmore

Présidente, Shell Canada