Peu de gens le savent, mais les plus grandes pétrolières du globe ont droit à des subventions et des exemptions d'impôt qui feraient l'envie de n'importe quelle entreprise ou contribuable. Plus tôt ce mois-ci, le New York Times a révélé que la plateforme Deepwater Horizon, à l'origine du déversement dans le golfe du Mexique, battait le pavillon des îles Marshall au moment où elle a explosé, en avril. L'utilisation de ce havre fiscal faisait économiser des millions à son propriétaire Transocean, qui a d'ailleurs déménagé ses bureaux d'Houston, Texas, aux îles Caïmans, il y a quelques années.

BP, responsable du déversement et des opérations de nettoyage, jouit quant à elle d'une structure d'imposition qui compte parmi les plus généreuses aux États-Unis. Cela lui permettait, par exemple, de réduire de 70% les coûts de la location de la plateforme Deepwater Horizon, un rabais de plusieurs centaines de milliers de dollars par jour.

Le sujet des traitements fiscaux favorables est délicat aux États-Unis, aux prises avec un déficit record. Or, selon l'American Petroleum Institute, tout changement à la structure d'impôt des pétrolières serait néfaste pour l'économie.

«Ces compagnies évaluent les coûts, les occasions et les risques dans le monde entier, a dit le président de l'organisme, Jack N. Gerard. Si les États-Unis changent les règles sur l'impôt, elles vont aller ailleurs et emmener leurs emplois avec elles.»

45 milliards

Une étude publiée en mai par le Center for American Progress identifie neuf structures fiscales qui favorisent les pétrolières, et dont l'abolition ferait économiser 45 milliards au gouvernement fédéral au cours des dix prochaines années.

Sima Gandhi, chercheur pour l'organisation, note: «L'abolition de ces programmes fiscaux généreux affecterait la production domestique de façon minime, de l'ordre de la moitié d'un pour cent.»

Les chances de voir des changements au sujet du traitement préférentiel dont jouissent les géants pétroliers sont minces. En juin, le sénateur du Vermont, Bernie Sanders, a proposé de priver de 35 milliards en subventions les pétrolières qui opèrent en sol américain. Le sénateur suggérait d'utiliser cet argent pour réduire le déficit et encourager les programmes d'efficacité énergétique.

Son amendement a été défait par 35 voies contre 61, avec une opposition unanime dans les rangs républicains.

Pétrolières menacées?

La croyance populaire veut que les grandes pétrolières soient des entreprises lucratives promises à un avenir radieux. Leur mainmise sur une ressource convoitée et assurée de devenir de plus en plus rare est vue comme tremplin pour leurs actionnaires.

Récemment, l'investisseur new-yorkais James Chanos a jeté un regard critique sur les géants pétroliers. Interviewé par Bloomberg Television, M. Chanos, qui a fait fortune en prédisant l'effondrement d'Enron, a dit que les pétrolières étaient en moins bonne santé financière que bien des gens ne le croient.

«Si vous regardez les plus grandes pétrolières du monde - et je vous laisse déterminer de qui il s'agit -, vous verrez que leurs revenus n'ont pas augmenté depuis des années. Pourtant, leurs dépenses en capital nécessitent la totalité de leurs revenus. En clair: ces compagnies doivent emprunter de l'argent pour payer leurs dividendes.»

M. Chanos note que les investisseurs seraient surpris de constater que ces géants n'ont pas un bilan plus positif. «On parle ici des entreprises les plus grosses et les plus admirées au monde», dit-il, ajoutant que BP ne fait pas partie du groupe des groupes qu'il juge être en situation précaire. «Nous n'avons pas misé sur BP cette année, ni de façon positive ni de façon négative.»