Avec les milliards qu'elle investit en production et en transport d'électricité, Hydro-Québec pourrait accroître son risque financier lié aux fluctuations du marché d'exportation de l'électricité, avertit une agence financière de New York.

Selon Fitch, qui est l'une des trois principales agences de cotation de crédit avec Moody's et Standard & Poors, les investissements d'Hydro pour accroître sa capacité de production sont d'une ampleur telle que ses prochains résultats financiers seront plus «dépendants» des marchés de l'électricité voisins du Québec.

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Or, souligne l'agence Fitch, ce marché de l'électricité en gros est reconnu pour ses fluctuations de prix.

Selon Fitch, la stratégie de HQ de vendre plus d'hydroélectricité «verte» aux régions voisines qui manquent d'énergie renouvelable est économiquement raisonnable.

En contrepartie, lit-on dans l'avis de Fitch, cette stratégie «pourrait accroître la volatilité des flux financiers de la division de génération (HQ Production). Ses revenus deviendront plus dépendants des ventes externes qui sont sujettes aux fluctuations de prix dans le marché de l'électricité en gros».

L'agence Fitch précise qu'Hydro prévoit dépenser l'équivalent de 20 milliards US en nouvelles capacités de production et de transport d'électricité d'ici 2020.

Il s'agit d'un «investissement substantiel» qui, souligne Fitch, sera financé à 60% au moins par l'émission de titres de dette.

Malgré tout, Hydro-Québec conserve sa cote de AA/F1+, avec une «perspective stable», à l'endroit des 35 milliards de titres de dette de la société d'État.

Selon Fitch, même si les prochains résultats financiers d'Hydro seront «en déclin par rapport à leurs niveaux historiques», ils devraient «demeurer adéquats en comparaison avec d'autres organisations de services publics qui ont une cote AA». Du côté d'Hydro, on notait mercredi «l'omission», dans l'évaluation de Fitch, de certains éléments-clés du plan de développement.

Selon la porte-parole d'Hydro, Ariane Connor, les milliards investis dans de nouvelles centrales hydroélectriques doivent être considérés «à long terme, jusqu'à 100 ans de leur durée de vie».

«Nos ventes d'électricité hors Québec s'effectuent tant par des contrats à long terme, à prix stabilisés, que des ventes sur le marché spot de l'électricité, où les prix fluctuent.»

Par ailleurs, selon Mme Connor, l'agence Fitch sous-estime la «grande flexibilité» de production d'électricité par Hydro, ainsi que ses moyens de vente pour profiter des fluctuations des prix au gros.

«Contrairement aux producteurs d'électricité de centrales thermiques, Hydro-Québec peut ouvrir ou fermer les vannes de ses barrages en fonction des fluctuations de prix, a souligné Mme Connor. C'est un net avantage pour Hydro sur le marché d'exportation, d'autant plus que nous sommes voisins de régions où les prix de l'électricité sont parmi les plus élevés en Amérique du Nord.»

N'empêche, les plus récents résultats financiers d'Hydro-Québec montraient l'impact sur ses résultats d'un fléchissement du prix de l'électricité sur les marchés d'exportation.

Durant le dernier trimestre d'hiver, les revenus d'Hydro ont légèrement régressé à 3,8 milliards CAN malgré une hausse de tarifs au Québec - neutralisée par l'hiver doux - et une augmentation de 82% de la quantité d'électricité exportée, mais à un prix réduit de 26% en un an.

Par ailleurs, pour réduire l'impact de ses investissements multimilliardaires sur ces résultats futurs, Hydro a décidé ce printemps d'en doubler la période d'amortissement comptable, la faisant passer de 50 à 100 ans.

En étalant ainsi ces dépenses en immobilisations, Hydro en réduit l'impact sur ses résultats financiers courants, rehaussant du coup sa rentabilité.

Selon des spécialistes, une telle manoeuvre comptable ne serait pas techniquement hors norme, mais tout de même audacieuse en raison de la rareté d'actifs ayant une durée de vie étalée sur un siècle.