La recherche d'un acheteur est bel et bien terminée pour Shell, qui a sommé Michael Fortier, président du comité de survie de la raffinerie, de cesser de négocier avec les acheteurs intéressés.

«Le comité spécial n'est plus autorisé par Shell à participer à aucune discussion concernant notre raffinerie de Montréal-Est et nous devons insister pour que le comité spécial, incluant tous ses membres, cesse toute discussion immédiatement», lit-on dans une lettre au ton tranchant envoyée à Michel Fortier par les avocats de Shell.

C'est ainsi que Shell a réagi à l'annonce qu'un des acheteurs intéressés, le holding israélien Delek, avait doublé de 75 à 150 millions de dollars la somme offerte pour la raffinerie. Dans sa lettre à Michael Fortier, Shell lui demande de confirmer «qu'il a cessé ou qu'il cessera immédiatement toutes les discussions sur l'achat ou la vente possible de la raffinerie».

Les discussions en cours entre M. Fortier ces acheteurs ne pourront donc pas aller très loin.

Le comité spécial piloté par Michael Fortier a réussi à dénicher deux acheteurs intéressés par la raffinerie de Shell à la toute fin de la date limite du 1er juin fixée par Shell. À peine trois jours plus tard, Shell rejetait officiellement les deux propositions et réitérait son intention de fermer sa raffinerie.

L'annonce subséquente qu'un des deux acheteurs était prêt à bonifier son offre n'a pas fait reculer Shell, qui vient d'ailleurs de commencer à démanteler ses installations.

Hier, en conférence de presse, le président du syndicat qui représente les 550 employés permanents de la raffinerie, Jean-Claude Rocheleau, a fait savoir que le département des huiles lubrifiantes a déjà cessé ses activités, et qu'une des quatre chaudières à vapeur qui alimentent la raffinerie avait été fermée.

Shell n'a pris aucune précaution pour protéger ces équipements au cas où ils seraient remis en marche, a déploré M. Rocheleau au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

Selon lui, le directeur général de la raffinerie et le directeur des ressources humaines n'arrêtent pas de répéter aux employés que la raffinerie ferme et que leur syndicat crée des attentes inutilement.

«C'est clair dans notre tête à nous que Shell est de mauvaise foi», affirme Jean-Claude Rocheleau.

Si Shell refuse de négocier avec des gens prêts à offrir davantage, «c'est parce qu'elle ne veut pas vendre», tranche-t-il.

Le prix offert par Delek est peut-être trop bas, mais il pourrait être augmenté si Shell acceptait de négocier, plaide-t-il. Et une vente à bas prix reste plus avantageuse que rien du tout, selon lui.

Toujours une offre

Le groupe Delek est le seul des deux acheteurs à avoir insisté auprès de Shell après l'expiration du délai. Entreprise israélienne inscrite à la Bourse de Tel-Aviv, Delek est un holding aux activités multiples, dont la finance et l'assurance. Sa filiale américaine exploite une raffinerie au Texas et une chaîne de dépanneurs dans les états du sud des États-Unis.

Aux dernières nouvelles, Delek n'avait pas retiré son offre. «Tant qu'il y a une offre sur la table, on continue de garder l'espoir», assure le dirigeant syndical.

«On ne parle pas de fermer une raffinerie, on parle de perdre une industrie», dit Jean-Claude Rocheleau.

Pour lui comme pour beaucoup d'autres observateurs de l'industrie, la fermeture de la raffinerie de Shell précipitera celle de Suncor (Petro-Canada) et signifiera la fin de ce qui reste de l'industrie pétrochimique à Montréal.