Au moment où les ressources d'hydrocarbures faciles d'accès et peu coûteuses s'amenuisent, les sociétés énergiques forent plus profondément et plus loin que jamais auparavant.

De tels tours de force d'ingénierie pourraient rapporter une belle fortune aux investisseurs.

Mais lorsque les choses tournent mal - comme cela s'est produit avec le désastre du Golfe du Mexique - elles tournent vraiment mal.

«Nous sommes probablement confrontés à la plus grande destruction de la valeur actionnariale, lié à un phénomène environnemental, de notre histoire - tout ça à cause d'un seul puits», soutient Andrew Logan, qui dirige le volet pétrolier chez Ceres, un regroupement d'investisseurs américains prônant la conscience sociale.

Depuis l'explosion de la plateforme de Deepwater Horizon, qui a tué 11 travailleurs et ruiné les écosystèmes et les économies le long du littoral du Golfe, le géant britannique BP a perdu environ la moitié de sa valeur boursière.

Jusqu'à maintenant, la société pétrolière a dépensé plus de 1 milliard $ pour le nettoyage, mais de nombreux observateurs croient que la facture grimpera à un point tel qu'elle pourrait atteindre les dizaines de milliards $.

«Je ne crois pas que l'on puisse trouver un meilleur exemple de l'importance, sur le plan financier, de gérer avec brio les risques environnementaux», a fait remarquer M. Logan.

Le directeur général de BP, Tony Hayward, a fait savoir que sa société avait les reins suffisamment solides, financièrement, pour résister aux ennuis actuels et continuer de payer des dividendes aux actionnaires.

Mais les répercussions de l'explosion pourraient hanter BP pendant de nombreuses décennies, croit Richard Martin, président de Alcera Consulting Inc., qui conseille les organisations sur la gestion du risque.

«Elle (BP) pourrait éventuellement déclarer faillite. C'est quelque chose de très possible», mentionne-t-il.

Aux États-Unis, fait remarquer M. Martin, il n'y a «presque aucune limite» à intenter une poursuite. Puis, il y a la possibilité que des accusations soient déposées en cour criminelle.

Bob Walker, vice-président de la durabilité chez Northwest and Ethical Investments LP, n'encourage pas les investisseurs à se retirer totalement du secteur énergétique.

C'est particulièrement vrai au Canada, où la Bourse de Toronto regorge de valeurs pétrolières.

«À l'échelle mondiale, les combustibles fossiles représentent environ 90 pour cent de l'énergie utilisée. Le pétrole fera partie de nos vies pendant de nombreuses années encore. Et de nos jours, l'huile est de moins en moins propre et de plus en plus difficile à trouver», affirme M. Walker.

«De notre côté, notre rôle est de travailler avec ces compagnies et d'autres investisseurs afin de mitiger les impacts négatifs et, nous le souhaitons, éliminer ceux qui sont à notre portée.»

Lorsque vient le temps d'appuyer une société énergétique plutôt qu'une autre, Northwest s'attarde aux tendances générales, plutôt que de réagir à des incidents isolés.

Après avoir noté certaines tendances troublantes, Northwest a cessé d'investir chez BP dès 2004. C'était avant l'explosion d'une raffinerie de BP à Texas City, tuant 15 personnes, en 2005, le déversement de brut en Alaska à la suite de la rupture d'un oléoduc et, bien sûr, la toute récente catastrophe dans le Golfe du Mexique.

En plus d'étudier le passé des sociétés, Ceres évalue leur niveau de transparence lorsque vient le temps de dévoiler leurs performances en matière environnementale et sécurité, confie M. Logan.

«Lorsqu'une société choisit de ne pas rendre l'information disponible, ou de la dissimuler, ça devrait servir de signal d'alarme aux investisseurs. Les sociétés devraient dévoiler toute cette information de façon à ce qu'elle soit facile d'accès pour les investisseurs», ajoute-t-il.

Selon M. Logan, Suncor Energy [[|ticker sym='T.SU'|]] et Nexen [[|ticker sym='T.NXY'|]] sont deux sociétés canadiennes ayant fait de l'excellent travail à ce chapitre.

Certains investisseurs pourraient analyser le prix chancelant de l'action de BP et décider que le temps était venu d'acheter.

«Pour poser un tel geste, il faut aller à l'inverse de la majorité», fait remarquer Adrian Mastracci, gestionnaire de portefeuille chez KCM Wealth Management, à Vancouver.

«Ça signifie que vous achetez lorsque personne d'autre achète, ou que vous vendez quand personne d'autre ne vend.»

En théorie, une telle manoeuvre peut sembler une belle occasion d'affaires, mais un investisseur aux nerfs d'acier devrait accepter le fait que l'action de BP chute davantage.

«Vous avez plus de chances de fendre l'air que de frapper un coup de circuit», image M. Mastracci.