«Nettoyez les plages, mais ne touchez pas à nos forages»: c'est en substance ce que réclament les habitants des zones sinistrées par la marée noire dans le sud des États-Unis, alarmés par le moratoire sur la prospection en mer décrété par le président Obama.

Dans cet État qui tire environ 16% de sa richesse du pétrole, la décision annoncée fin mai par Barack Obama passe mal, même à Grand Isle, une station balnéaire dont la plage est fermée pour cause de marée noire et d'où l'on peut voir les plateformes pétrolières au large.

«Six mois de moratoire: ça va tuer cette région», s'alarme Edmond Camardelle, un monsieur de 84 ans venu constater les dégâts dans la ville où il a passé la moitié de sa vie. «Toutes ces plateformes et ces emplois vont partir vers d'autres pays», prévoit-il.

Comme beaucoup de Louisianais, M. Camardelle estime que la marée noire ne justifie pas le moratoire sur les forages en eau profonde, qui condamne au chômage technique 33 plateformes du golfe du Mexique.

L'administration Obama a décrété ce moratoire pour une période de six mois, le temps d'établir les causes de l'explosion suivie du naufrage de la plateforme de BP Deepwater Horizon qui forait par 1.500 mètres de fond avant l'accident du 20 avril.

L'industrie pétrolière a pompé du pétrole sans incident au large de la Louisiane pendant des décennies, relève M. Camardelle. Selon lui, «il ne faut pas se plaindre. Il faut continuer les forages, continuer à travailler tout en renforçant la sécurité» des plateformes.

La classe politique locale relaye les inquiétudes de la population, effrayée par la crainte du chômage.

«On ne cloue pas tous les avions au sol à chaque fois qu'un avion s'écrase tant que l'on n'a pas établi les raisons de l'accident», plaide Billy Nungesser, président de la «paroisse» (équivalent d'un département français) de Plaquemines, l'une des plus touchées par la catastrophe écologique.

Au moment où la pêche et le tourisme sont sinistrés, il ne faut pas en plus mettre des bâtons dans les roues à l'industrie pétrolière, estime le gouverneur de l'État, Bobby Jindal, qui a écrit le 2 juin au président Obama pour lui demander de revenir sur sa décision.

Au moment où la Louisiane traverse «l'une des périodes économiques les plus difficiles depuis des décennies (...) la dernière chose dont nous avons besoin est une politique qui ne peut que détruire des milliers d'emplois existants et empêcher la création de milliers d'autres», a-t-il plaidé.

M. Jindal est revenu à la charge jeudi, demandant à l'État fédéral d'accélérer l'enquête sur les causes de la catastrophe ainsi que l'examen des mesures de sécurité en place sur les plateformes existantes.

«Les forages doivent être faits en toute sécurité mais l'État fédéral n'a aucune raison de perdre des mois en réunions de comités. Ce n'est pas parce qu'il est incapable de faire son travail que des milliers de Louisianais doivent perdre le leur», a-t-il martelé.

Chris Santini, qui a travaillé pendant 23 ans comme soudeur pour l'industrie pétrolière, se désole devant les maisons à pilotis vides le long de la plage déserte et en veut à M. Obama.

«S'il ferme le gisement pendant six mois, nous sommes finis», estime-t-il. «Les gens se mettront à cambrioler les maisons».