Y a-t-il de la place pour une filière de l'énergie solaire au Québec? La question s'est posée hier en marge du Salon de la technologie de fabrication de Montréal. Et elle suscite de vives réactions.

Des pays comme l'Allemagne, l'Espagne et le Japon se sont déjà positionnés dans ce marché qui croît de 36% par année depuis 2000. Près de chez nous, l'Ontario a aussi commencé à attirer les grands manufacturiers du solaire à grands coups de subventions. Au Québec, pendant ce temps, l'industrie est pratiquement inexistante.

Selon Daniel Laplante, PDG de l'Association de l'industrie électrique du Québec, la situation est tout à fait normale.

«Il faut travailler selon nos avantages compétitifs. Il ne faut pas arriver dans un domaine où on est en concurrence avec la planète», a affirmé M. Laplante à La Presse Affaires en marge du forum d'hier.

Et l'avantage concurrentiel du Québec est dans son hydroélectricité, dit M. Laplante, qui souligne aussi l'expertise qu'est en train de développer la province dans le couplage de l'énergie éolienne avec l'énergie hydroélectrique.

Quelle place jouera l'énergie solaire dans ce contexte?

«Honnêtement, au moment où on se parle, je n'ai pas cette réponse-là. Je pense qu'il faut que la technologie continue d'évoluer. Dans la mesure où on a une source d'énergie extrêmement rentable et renouvelable chez nous, ces gens-là ont une démonstration de rentabilité à faire.»

Brian Wilkinson est président d'Énergie Matrix, l'une des rares PME québécoises à travailler dans le solaire. Selon lui, le Québec fait fausse route en ignorant ce secteur industriel.

«C'est très bien d'avoir une expertise en hydroélectricité, mais très peu de pays ont des ressources hydrauliques exploitables, et la plupart d'entre eux les ont déjà exploitées. Il y a une limite à ce qu'on peut exporter. Mais il n'y a aucune limite aux énergies vertes comme l'éolien ou le solaire. Si tu as les technologies, tu peux les exporter partout.» Selon lui, une confusion existe quand à la place que pourrait jouer le Québec dans l'énergie solaire. Il ne s'agit pas d'exporter l'énergie solaire elle-même, mais bien les technologies qui serviraient à la produire.

«L'énergie qu'on va exporter là-dedans, c'est l'énergie des cerveaux», dit M. Wilkinson.

Il donne l'exemple de sa petite entreprise, qui vend pour 5 millions de dollars par année de systèmes capables de transformer le rayonnement solaire en électricité et en chaleur.

«Nous avons trois brevets en notre possession et nous vendons autant en France et en Allemagne qu'en Amérique du Nord.»

M. Wilkinson souligne que le secteur de l'énergie solaire est en plein développement technologique. Actuellement, par exemple, les panneaux solaires ne convertissent que 15% de l'énergie du soleil en électricité. «Il reste énormément à faire», dit-il.

Les moyens à prendre

À partir du moment où on décide de stimuler l'industrie québécoise de l'énergie solaire, il reste à déterminer comment. En Ontario, le gouvernement a choisi de payer le gros prix aux producteurs d'énergie solaire pour les attirer chez lui (jusqu'à 80 cents le kilowattheure, alors que les centrales de la Baie James produisent à 1,5 cent le kilowattheure).

M. Wilkinson croit que créer ainsi un marché intérieur est probablement la meilleure façon de lancer l'industrie. Mais ce n'est peut-être pas la seule. Des fournisseurs québécois pourraient très bien développer leur expertise et alimenter les marchés ontarien, américain et européen sans que le Québec ne devienne lui-même un producteur d'énergie solaire.

«L'idée, c'est de créer un produit qui sera utilisé ailleurs. Mais il faut qu'il y ait un incitatif quelque part pour encourager les gens à se lancer là-dedans», dit M. Wilkinson.