Pendant qu'un groupe du comité de sauvetage fait des pieds et des mains afin de trouver un acheteur pour la raffinerie de Shell à Montréal, d'autres attendent sa fermeture pour mettre la main sur son réseau de stations-service.

Ultramar et Couche-Tard sont parmi les intéressées à racheter le réseau de 280 stations-service de Shell au Québec et dans les Maritimes, selon les informations qu'a obtenues La Presse Affaires.

En annonçant sa décision de fermer sa raffinerie, en janvier dernier, Shell n'a pas précisé ses intentions quant à son réseau de stations-service, mais ces activités font partie de celles que Shell remet en question, a fait savoir jeudi une porte-parole, Nicole Belval.

Une fois sa raffinerie fermée, Shell n'aura aucun intérêt à conserver un réseau de stations-service, selon plusieurs observateurs de l'industrie à qui La Presse Affaires a parlé.

Au moins deux acheteurs s'intéressent à ce réseau. «On a toujours de l'intérêt pour accroître nos actifs», confirme Louis Forget, porte-parole d'Ultramar.

La filiale du raffineur américain Valero est déjà le plus important détaillant d'essence du Québec et des Maritimes, avec une part de marché d'environ 30%. L'ajout de 280 stations-service supplémentaires ne serait probablement pas accepté par le Bureau de la concurrence, qui fronce les sourcils lorsqu'un joueur franchit le seuil de 30% dans un marché.

«Je doute qu'on puisse faire l'acquisition de tout le réseau», convient Louis Forget.

D'autres scénarios sont possibles. Ultramar pourrait s'associer à un autre acheteur pour faire l'acquisition du réseau de Shell et partager les stations-service.

Cet autre acheteur pourrait être Couche-Tard, qui serait aussi intéressé à acquérir le réseau de Shell, seul ou avec d'autres. Il n'a pas été possible de parler à un porte-parole de l'entreprise, mais Couche-Tard a multiplié récemment les transactions de ce genre.

En janvier dernier, Couche-Tard s'est associée à Shell pour exploiter 100 dépanneurs et stations-service dans la région de Chicago.

Au cours des dernières années, Couche-Tard a acquis en tout ou en partie des réseaux de stations-service appartenant aux grandes pétrolières qui délaissent de plus en plus le secteur du raffinage et du détail pour se consacrer à l'exploration et à la production de brut.

Des intéressés

Entre-temps, les efforts se poursuivent afin de trouver un acheteur pour la raffinerie de Montréal. Avant d'annoncer son intention de cesser ses activités de raffinage en janvier dernier, Shell avait passé six mois à chercher un acquéreur, sans succès.

Le comité que pilote l'avocat et ancien ministre conservateur Michael Fortier prépare un document de présentation de la raffinerie qui sera envoyé à tous les acheteurs potentiels sur la planète d'ici deux semaines.

Il y a déjà eu des manifestations d'intérêt, a fait savoir jeudi la porte-parole des 550 syndiqués de la raffinerie, Catherine Escojido. Selon elle, le comité de sauvetage peut réussir là où Shell a échoué parce qu'il est «plus convaincu et plus convaincant» et qu'il peut «rendre le package plus intéressant» pour un éventuel acheteur.

Certains des acquéreurs les plus évidents ont déjà décliné. C'est le cas de la française Total et de Valero, qui ont déjà des raffineries à vendre.

Ce qui ne veut pas dire qu'un acheteur soit impossible à trouver, estime une source, qui rappelle que la raffinerie de Shell a beau avoir 75 ans, elle est plus jeune que celle de la même société à Sarnia et sa capacité de production est supérieure.

Autre avantage de la raffinerie de Montréal, elle peut être approvisionnée toute l'année par voie maritime, ce qui n'est pas le cas des raffineries ontariennes.

L'industrie du raffinage souffre de la chute de la consommation due à la récession et plusieurs observateurs croient qu'elle ne s'en remettra pas, du moins en Amérique du Nord et en Europe. La lutte contre les gaz à effet de serre, l'électrification des transports et les carburants alternatifs restreindront la demande pour les produits pétroliers, qui ne reviendra jamais à son niveau de 2007, croit par exemple le président de BP, Tony Hayward.

BP a vendu une dizaine de ses raffineries au cours des 10 dernières années, selon un rapport de Bloomberg.