Après six mois de travail et de controverse politique au Nouveau-Brunswick, Québec et Fredericton ont mis aux oubliettes l'achat d'Énergie Nouveau-Brunswick par Hydro-Québec - une transaction de 3,2 milliards de dollars.

Avec cet achat avorté, Hydro-Québec renonce à des profits supplémentaires de 60 millions par année. Mais c'est surtout la mise au rancart d'un accès plus étendu aux lignes de transports vers les marchés du Nord-Est américain qui fait mal à Hydro: l'achat permettait de mettre la main, à long terme, sur 670 mégawatts de capacité pour l'exportation - on revient subitement à la case départ: 300 mégawatts.

> Sur le blogue de Sophie Cousineau: Énergie NB: qui blâmer?

L'annonce faite dans les deux capitales provinciales hier matin suivait la visite à Québec du premier ministre Shawn Graham, mardi soir. Avec Jean Charest, il a convenu que l'entente annoncée en octobre 2009, et profondément modifiée au début de 2010, était finalement annulée. Ironiquement, tant Jean Charest que Shawn Graham ont soutenu hier que c'est à leur initiative que l'entente a été annulée.

Coup dur pour le gouvernement Charest: cette acquisition par Hydro-Québec était l'un des seuls dossiers positifs pour son gouvernement cet automne.

La transaction de 4,1 milliards en octobre 2009 avait été revue à la baisse - après le tollé politique au Nouveau-Brunswick, le gouvernement Graham avait décidé de conserver son réseau de distribution et de maintenir une société d'État pour le gérer.

«J'aime mieux ne pas avoir d'entente qu'en avoir une qui ne serait pas dans l'intérêt des Québécois», a dit M. Charest, en point de presse hier.

Après l'entente de principe d'octobre, il était acquis que le Québec pourrait procéder à «une vérification diligente» lui permettant de préciser la valeur réelle des actifs que comptait acquérir Hydro-Québec. Hydro devait acquérir sept barrages hydroélectriques, deux centrales au diesel et la centrale nucléaire de Pointe Lepreau, (après sa réfection), par cette acquisition. Une fois la vérification faite, il est apparu que l'espérance de vie des ouvrages avait été surestimée et qu'ils auraient besoin plus rapidement que prévu de coûteuses réparations.

Pour M. Charest, un des ouvrages posait même des problèmes de «sécurité civile, de niveau des eaux... on était au-delà de ce qu'Hydro pouvait assumer». En fait, un barrage servait davantage à contrôler le niveau d'eau d'une rivière qu'à produire de l'énergie.

Du point de vue de la stratégie d'exportation, on revient où on était en 2006, «on va continuer de pousser pour vendre de l'énergie propre et renouvelable, à faire des ententes comme on vient de le faire avec le Vermont. Avec un peu de chance, on va conclure l'entente pour la construction d'une ligne d'interconnexion avec les États-Unis».

Quant à la stratégie d'exportation d'électricité du Québec, «elle va continuer de se déployer», a prédit M. Charest.

À Fredericton, devant l'Assemblée législative, Shawn Graham a battu sa coulpe et admis qu'il aurait dû consulter davantage sa population avant d'annoncer la vente d'Énergie Nouveau-Brunswick, l'an dernier. «On a voulu tenter de régler la situation de l'électricité sans avoir mis en place un processus permettant à la population de contribuer à la solution. Après les derniers mois, je peux affirmer que c'est une leçon que nous n'oublierons jamais», a-t-il dit. Le Nouveau-Brunswick voulait effacer sa dette de 5 milliards avec cette transaction, mais à l'approche d'élections générales, l'opposition conservatrice avait vite placé le gouvernement sur la défensive.

Critique de son parti en énergie, Sylvain Gaudreault, le député péquiste de Jonquière, a souligné que cette finale en queue de poisson en disait long sur le niveau d'improvisation de cette opération. Il est surprenant de voir les deux gouvernements prétendre en même temps qu'ils ont pris l'initiative de mettre fin à l'entente. «Depuis le début, on disait que c'est un pari risqué. Je suis découragé de voir qu'Hydro-Québec ne connaissait pas l'existence de problèmes dans la structure d'un des barrages, des reportages indiquaient que le béton était fissuré dès novembre 2009, a rappelé le député péquiste. On nous avait annoncé ça comme la 8e merveille du monde et on n'avait semble-t-il rien vérifié!»

Aussi, insiste-t-il, l'achat d'Hydro a généré passablement de réactions «anti-Québec» au Nouveau-Brunswick.