Le gouvernement du Québec a abandonné l'idée de hausser significativement les tarifs d'Hydro-Québec pour augmenter ses recettes dans le prochain budget.

C'est qu'un obstacle de taille est apparu sur la route du ministre Raymond Bachand: toute augmentation de tarifs serait en bonne partie annulée par une réduction importante de la péréquation fédérale.

La formule de calcul de la péréquation - des transferts fédéraux destinés aux provinces les moins riches - a été revue en 2007 pour davantage tenir compte des recettes énormes de l'Alberta, des revenus liés au gaz naturel et au pétrole.

Or, en incluant ces recettes provenant de ressources naturelles, on a ajouté du même souffle les dividendes que verse Hydro-Québec au gouvernement.

Une augmentation des dividendes de la société d'État, résultant d'une majoration de tarifs, ferait partie du calcul qui établit la richesse relative du Québec. La semaine dernière, La Presse a révélé que Québec allait miser sur deux augmentations de 1% de la TVQ pour renflouer ses coffres plutôt que sur l'augmentation importante des tarifs d'Hydro, scénario que les ministres Raymond Bachand et Clément Gignac ont pourtant maintes fois évoqué au début de l'automne.

Selon l'économiste Claude Montmarquette, auteur de plusieurs rapports destinés à Québec sur les hausses de tarification, l'impact sur la péréquation dissuadera le gouvernement Charest de se servir d'une hausse de tarifs pour accroître ses recettes. Joint hier par La Presse, il dit estimer que toute hausse de tarifs d'Hydro serait annulée à 50% par une diminution automatique de la péréquation fédérale. Par exemple, une hausse de 1 cent le kilowattheure sur le bloc patrimonial d'électricité soutirerait 1,6 milliard aux clients d'Hydro-Québec. Mais la moitié de cet effort serait réduit à néant: la péréquation fédérale serait réduite de 800 millions, estime M. Montmarquette.

Calculs «très complexes»

Du côté des Finances, Catherine Poulin, porte-parole du ministre Bachand, souligne qu'il faut être prudent en évaluant l'impact des taux sur la péréquation. «On nous dit que ce n'est pas nécessairement 50%, cela peut être moins, ce sont des calculs très complexes», dit-elle. Québec annoncera dans les prochains jours la date du premier budget Bachand. À l'évidence, il ne sera pas déposé cette semaine, convient-elle. «On parle de la fin mars», précise-t-elle. La semaine dernière La Presse avait indiqué que Québec visait le jeudi 25 mars.

On a constaté ces scénarios lors des travaux des économistes mandatés par le ministre Bachand dans le cadre des consultations prébudgétaires.

«On a compris vite que cela allait refroidir les décideurs politiques», raconte l'économiste.

Selon lui, toutefois, le gouvernement devrait tout de même aller de l'avant et majorer les tarifs - le Québec vend son énergie bien en dessous de sa valeur sur le marché. «Cela augmenterait notre richesse collective, comment peut-on s'opposer à ça! Cela nous sortirait d'un programme destiné aux provinces pauvres. C'est un peu comme un bénéficiaire de l'aide sociale qui refuserait d'avoir un salaire parce qu'il craint de perdre son chèque d'assistance», illustre l'économiste.

Au début de l'automne, les ministres Raymond Bachand (Finances) et Clément Gignac (Développement économique) étaient d'ardents partisans des hausses de tarifs d'Hydro. Par la suite, ils ont été bien moins loquaces à ce sujet.

Selon Nicolas Marceau, critique péquiste en matière de finances, l'impact des hausses de tarifs sur la péréquation était bien connu dans l'opposition, qui a soulevé le problème à deux reprises lors de rencontres privées avec le ministre Bachand dans le cadre des consultations prébudgétaires.

Le Parti québécois était prêt à bondir si le gouvernement Charest avait choisi de hausser les tarifs, en soutenant que la moitié de l'effort exigé des abonnés se retrouverait dans les coffres d'Ottawa.

«Cet aspect, la péréquation, n'avait pas été jusqu'ici mis dans le débat. Je suis content qu'on y arrive pour que les gens soient conscients de tous les impacts», a dit M. Marceau. Déjà favorable aux hausses de tarifs, l'économiste Marceau rappelle qu'à l'époque, avant 2007, ces recettes n'étaient pas automatiquement intégrées au calcul de la péréquation. Désormais, il estime que le gouvernement ferait mieux de limiter davantage ses dépenses pour équilibrer son budget.