Le réseau de transport d'Hydro-Québec est ouvert à tous, mais pas à Terre-Neuve, qui veut y faire transiter de grandes quantités d'énergie, parce que la ligne entre Churchill Falls et le Québec doit servir en priorité à alimenter les Québécois en électricité.

C'est ce qu'a plaidé hier la société d'État au terme de trois semaines d'audiences publiques devant la Régie de l'Énergie.

«La première priorité du transporteur est d'assurer la charge locale», a expliqué l'avocat de la société d'État, Éric Dunberry, d'Ogilvy Renault. Donc, a-t-il fait valoir, Hydro-Québec «jouit d'une priorité de transport» et n'a pas à respecter la règle du premier arrivé, premier servi pour réserver son passage.

La filiale Transport d'Hydro-Québec a refusé toutes les demandes de Nalcor de faire transiter l'énergie de son projet du Bas-Churchill par le Québec pour atteindre le marché américain, en alléguant qu'il n'y avait pas de capacité disponible. Des demandes similaires en provenance d'Hydro-Québec ont toutefois été acceptées, même quand elles ont été déposées après celles de Terre-Neuve.

Hydro a aussi refusé de discuter des possibilités d'ajout au réseau ou d'augmentation de la capacité existante. La société d'État de Terre-Neuve se dit prête à investir des milliards dans l'augmentation de la capacité des lignes de transport au Québec afin de pouvoir vendre aux États-Unis les 2800 mégawatts de son projet de développement du Bas-Churchill.

Discrimination

Pour Terre-Neuve, il s'agit d'un cas flagrant de discrimination et ça contrevient aux règles de l'Open Access Transmission Tarif, qui assure la concurrence dans le commerce de l'électricité. Hydro-Québec a dû adhérer à ces règles pour pouvoir exporter aux États-Unis.

«Quelqu'un qui vend un service de transport doit l'offrir aux clients. Quelqu'un qui ne veut pas vendre se trouve des raisons», a résumé l'avocat de Nalcor, André Turmel, de Fasken Martineau.

Hydro-Québec a aussi soutenu que la centrale hydroélectrique de Churchill Falls est une centrale dédiée à l'alimentation du Québec, même si cette centrale appartient à 65% à Nalcor. Hydro détient une participation minoritaire dans la centrale et achète toute l'énergie qu'elle produit en vertu d'un contrat qui prendra fin en 2041.

«C'est un argument qui n'a aucun bon sens», a répliqué le président de Nalcor, Ed Martin, au cours d'un entretien avec La Presse Affaires.

«C'est la raison pour laquelle nous sommes ici. Je pense que notre cause est très claire», a commenté Ed Martin, qui se dit satisfait du déroulement des audiences de la Régie.

Test pour la concurrence

Selon lui, la cause actuellement devant la Régie est plus importante que les intérêts du Québec et ceux de Terre-Neuve. «Ce sont les règles de la concurrence qui doivent être respectées», a-t-il dit.

La décision à venir de la Régie de l'énergie est un premier test pour la concurrence dans le commerce de gros de l'électricité au Québec et pour la crédibilité d'Hydro-Québec, qui s'est scindée en trois filiales en principe indépendantes l'une de l'autre pour respecter les règles de la concurrence.

Aucun commentaire n'a pu être obtenu hier de la part d'Hydro-Québec ou de ses avocats.