Les marchés du carbone n'ont pas de secret pour Yves Legault. Dans une autre vie, l'homme a travaillé pour les Nations-Unies, où il a participé à l'élaboration du protocole de Kyoto.

Aujourd'hui, M. Legault est vice-président, financement progressif, chez Solutions L2i, une firme québécoise qui compte une division spécialisée dans la quantification et le courtage de crédits de carbone.

Depuis 2005, sa firme a négocié 1,5 million de tonnes de crédits de carbone.

M. Legault a été appelé à travailler sur le projet de CCUM. Sa mission : calculer les crédits de carbone que CCUM pourrait générer par ses projets de réduction d'émissions de GES.

Comment ça marche? À l'aide d'un « scénario d'émissions », M. Legault a calculé combien de tonnes de gaz à effet de serre aurait émis CCUM si elle n'avait rien fait pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

Puis il a calculé combien elle en émettra en éliminant le mazout de ses chaudières et en améliorant ses processus.

À quelques nuances près, la différence entre les deux donne les crédits de carbone qui pourront être vendus sur le marché.

Le verdict : selon les estimations de L2i, CCUM pourrait éviter l'émission d'environ 8000 tonnes de GES dans l'atmosphère. Les revenus qu'elle peut en espérer? L'entreprise préfère ne pas les dévoiler.

« Mais quand j'ai vu les chiffres, je vais vous dire une chose : j'étais estomaqué. Je me demandais s'il y avait une pogne là-dedans! » lance le directeur, Jean-Claude Michel.

Avant de devenir des produits financiers, les crédits de carbone identifiés par L2i devront toutefois être vérifiés.

C'est là qu'entre en jeu un autre acteur de l'économie du carbone : le vérificateur.

Roger Fournier est comptable agréé pour la firme GDTS Environnement. Il est le tout premier vérificateur québécois - et encore aujourd'hui l'un des très rares – à s'être spécialisé dans les crédits de carbone.

Des jungles du Belize aux fermes californiennes en passant par le Mexique et le Brésil, M. Fournier est régulièrement appelé à laisser son complet-cravate à la maison pour aller là où les projets de réduction de gaz à effet de serre sont réalisés.

« Il y a des fois où un comptable doit être moins conventionnel », lance-t-il.

Accrédité selon des normes ISO, M. Fournier s'assure que les projets de réduction ont bel et bien lieu, et que les calculs sur les tonnes qu'ils permettent de sauver tiennent la route.

Si un jour il s'engouffre dans les fournaises de CCUM pour y vérifier les réductions calculées par L2i, il risque ensuite de repasser la balle à Yves Legault.

Parce que celui-ci a une deuxième idée en tête : acheter les crédits de carbone de CCUM.

« Nous sommes sur le point de leur présenter une offre d'achat », révèle-t-il.

En plus de quantifier les réductions de GES de ses clients, M. Legault se définit comme un « grossiste en carbone ». Le truc est simple : il achète puis revend à profit.

Solutions L2i est en contact avec les grands courtiers new-yorkais en carbone comme TFS Energy.

Qui veut acheter les crédits? Ce sont souvent des banques et des fonds d'investissements, surtout américains, qui parient que ceux-ci prendront de la valeur avec l'arrivée éventuelle de lois qui obligeront les entreprises à réduire leurs émissions (voir autre texte). Ces acheteurs combinent et réarrangent souvent les crédits de carbone pour en faire des produits financiers structurés qu'ils revendent sur le marché.

Les clients de L2i peuvent aussi être de grands émetteurs de gaz à effet de serre qui font le pari que les gouvernements les obligeront un jour à réduire leurs émissions. Ils estiment qu'il est meilleur marché de stocker des crédits maintenant plutôt que d'attendre.

Le Québec? M. Legault y compte très peu d'acheteurs. On savait déjà que la province exportait du bois, de l'aluminium et des avions. « Nous sommes un créditeur net de tonnes de carbone », dit aussi Yves Legault.