Déjà accro au pétrole, la planète est en train de développer une nouvelle dépendance à une poignée de matériaux exotiques essentiels au fonctionnement des voitures électriques et des éoliennes. Et le Québec s'active déjà à en dénicher dans son sous-sol pour surfer sur la révolution verte.

Avec des noms étranges comme néodyme, terbium, lanthane ou dysprosium, les «terres rares» ne défraient pas encore les conversations à l'heure du souper. Reste que ce groupe de 17 éléments attire de plus en plus d'attention.

Cette fois, c'est le Cleatech Group, une firme de recherche en technologies propres, qui sonne l'alarme sur la nécessité de développer de nouvelles mines capables d'en produire.

«Il existe une préoccupation grandissante que la transition vers une économie propre crée éventuellement une dépendance globale envers ces matériaux plutôt qu'envers le pétrole», écrit le Cleantech Group dans un rapport récent.

Avec le lithium, un métal qui connaît le même engouement, les terres rares entrent dans la fabrication de composantes-clés des moteurs hybrides, des piles à combustible et des turbines d'éoliennes, entre autres exemples.

Si le spectre d'une pénurie majeure qui viendrait freiner les progrès des technologies propres est jugé improbable, le Cleantech Group avertit toutefois que les pressions seront sérieuses.

C'est que la Chine, qui contrôle actuellement plus de 96% de la production mondiale des terres rares, a décidé de limiter ses exportations pour garder les précieux éléments chez elle.

Le gouvernement chinois a proposé de bannir complètement l'exportation de certaines terres rares comme le terbium, qui entre dans la composition des piles à combustible pour les voitures à hydrogène et des lampes fluorescentes. La Chine veut aussi imposer des quotas d'exportations sur plusieurs autres terres rares dont le néodyme, l'un des matériaux les plus utilisés à l'heure actuelle. Le néodyme est présent dans les aimants qui font tourner les turbines des éoliennes et les voitures électriques. Chaque moteur de Toyota Prius, par exemple, en contient un kilo.

Le Japon, qui consomme à lui seul plus de 40 000 tonnes de terres rares chaque année et est complètement dépendant des importations, a déjà mis en place une stratégie à plusieurs volets qui encouragera notamment le développement de projets miniers à l'étranger.

Les États-Unis ont aussi parlé de relancer leur production de terres rares et ont mis sur pied une organisation destinée à assurer leur approvisionnement. L'été dernier, l'Union européenne a demandé à l'Organisation mondiale du commerce d'intervenir pour convaincre la Chine de revoir ses politiques.

Le Québec fait partie d'une poignée de territoires qui disposent de gisements de lithium et de terres rares qui pourraient être exploitable commercialement.

En 2008, 1,5 million de dollars ont été investis dans l'exploration des terres rares et du lithium au Québec. Les chiffres de l'an dernier ne sont pas encore finaux, mais l'Institut de la Statistique du Québec a confirmé hier que les dépenses d'exploration ont grimpé à «plusieurs millions». «Il y a un boom», confirme Jean-Pierre Thomassin, directeur général de l'Association de l'exploration minière du Québec, qui s'attend à des chiffres encore plus élevés cette année.

«Quand la Chine a fait son annonce, tout le monde s'est dépêché de prendre des claims (titres qui donnent le droit d'explorer). Là, les projets vont commencer, et ça va aller à coups de millions», dit M. Thomassin.

Il y a deux semaines, le titre de First Gold Exploration a plus que doublé en une seule journée quand la petite junior de Laval a annoncé avoir trouvé du lithium et autres substances rares sur ses propriétés.

Des acteurs comme Quest Uranium, Stelmine, Exploration Midland, Globex Mining, Mines Aurizon et Matamec Exploration font aussi de l'exploration de lithium et de terres rares en sol québécois.

Selon Jean-Pierre Thomassin, de l'Association minière du Québec, il faudra toutefois attendre une bonne dizaine d'années avant de voir une mine de terres rares entrer en production au Québec. Ça pourrait aller un peu plus vite dans le cas du lithium, puisqu'une mine a déjà été exploitée au Québec (celle de Québec Lithium, qui a fermé en 1965).