Le gouvernement Charest entache la réputation du Québec en permettant l'exportation de l'amiante, un produit universellement reconnu comme nocif qui compromet la santé des travailleurs des pays pauvres.

Cet appel est parvenu hier, clairement au premier ministre Charest aux premières heures de sa mission d'une semaine en Inde. Lors d'une conférence de presse, en présence d'une cinquantaine de travailleurs victimes de l'amiantose, Sanjay Singhvi, Secrétaire général de la Trade Union Center of India, a indiqué que son groupe avait, en vain depuis plusieurs jours sollicité une rencontre avec M. Charest pour lui transmettre leurs inquiétudes. Le Québec est parfaitement conscients des risques que comporte l'utilisation de l'amiante, mais accepte tout de même que ce produit dangereux puisse être exporté, déplore M. Singhvi. «Une utilisation sécuritaire de l'amiante cela n'existe pas» résume-t-il.

Dans une lettre ouverte destinée à M. Charest, la centrale qui représente 200,000 salariés, ne mâche pas ses mots. «Nous considérons que cela déshonore la réputation du Québec en niant les droits fondamentaux et en faisant passer les intérêts de l'industrie de l'amiante par-dessus les droits et les vies des gens des pays en développement» écrit le syndicat, appuyé dans sa démarche par les associations de santé-sécurité au travail de Mumbai et de Ahmedabad. Ces groupes avaient projeté une manifestation devant l'hôtel somptueux ou loge la délégation québécoise, mais le gouvernement de l'état du Maharashtra, dont Mumbai est la capitale interdit toute démonstration depuis la vague d'attentats terroristes de novembre 2008.

«Le Québec applique les règles pour une utilisation sécuritaire du produit. Il y a d'autres produits dangereux comme le mercure, le chlore, l'uranium. L'amiante chrysotile n'est pas un produit interdit. C'est au gouvernement indien qu'il appartient de faire appliquer des normes d'utilisation sécuritaire de ce produit. Chaque pays est responsable, on ne peut se substituer à d'autres pays pour l'utilisation du chrysotile» a soutenu M. Charest.

Il insiste que le Bureau international du travail admet l'utilisation de se produit, à condition que des normes de sécurité soient respectées. Pour lui l'exportation de ce produit par le Québec ne compromet pas son image internationale. En 2008 l'amiante représentait 11 % des 427 millions d'exportations québécoises en Inde. Une seule mine est encore en production au Québec, la mine Jeffrey, qui compte environ 150 employés.

L'essentiel de l'amiante utilisé en Inde vient du Québec et du Zimbabwe –l'Afrique du Sud vient d'interdire l'exportation du produit. Au surplus 95 % de l'amiante utilisée des sous forme chrysotile, ce qui produit des fibres en suspension dans l'air que les masques ou les vêtements ne peuvent bloquer efficacement. Des cas nombreux de mesothelioma, d'amiantose et de cancer du poumons ont été constaté chez ces travailleurs. «On estime qu'environ un travailleur sur cinq dans ces industries est atteint» résume M. Singhvi. Avec lui des travailleurs exposaient des photos des sacs de fibre produits par Lab Chrysotile au Québec, qu'ils avaient à utiliser quotidiennement. L'amiante n'est plus utilisée au Québec, elle est carrément interdite en Europe, mais à cause de son coût peu élevé, reste un produit courant dans bien des pays en développement, comme composant pour le ciment, les toitures et les plaquettes de frein d'automobiles. Ces ouvriers gagnent en moyenne 8,000 roupies par mois, environ 200 $ canadiens.

Dans une industrie indienne, fermée depuis deux ans, Hindustan Composite, on a répertorié 41 cas d'amiantose sur 215 employés. En remontant jusqu'aux travailleurs à la retraite, on a retrouvé 122 cas de maladie due à l'amiante. Et il ne s'agit que d'une seule entreprise. «Au cours des 50 dernières années on peu penser qu'i y a eu des millions de cas en Inde». Les gens sont malades et comme il n'y a pas d'obligation à déclarer cette maladie, personne n'a de chiffres précis, explique-t-on.

Pour le syndicaliste le Québec ne peut justifier le recours à un double standard. Il empêche l'utilisation de l'amiante sur son territoire mais la favorise à l'étranger, alors qu'il connaît bien les risques que cela comporte pour la santé. M. Charest a toujours soutenu jusqu'ici qu'il appartient à l'industrie qui recours à ce produit de se donner des contrôles.

«C'est comme un pharmacien qui vendrait des médicaments sans ordonnance en soutenant que la responsabilité incombe aux gens qui les achètent» lance-t-il.