C'est le 4 février prochain qu'un juge de la Cour supérieure entendra la demande de recours collectif déposée contre Hydro-Québec au sujet des dizaines de millions de dollars d'intérêts que la société d'État facture annuellement à ses milliers de clients retardataires sous le vocable «frais d'administration».

Dans sa requête, le cabinet d'avocats Paquette Gadler indique que la société d'État a imposé à ses clients consommateurs des intérêts qu'elle qualifie de «frais d'administration», sans indiquer le taux d'intérêt annualisé sur ses factures. «Cette pratique est contraire aux dispositions de la Loi sur l'intérêt et a ainsi eu pour effet de dissimuler un taux d'intérêt annuel de 15,38% à ses clients consommateurs d'hydro-électricité.»

 

Cette requête de demande de recours collectif contre Hydro-Québec a été déposée à la suite de mes chroniques des 11 et 18 février 2009: «La saignée des consommateurs endettés» et «Hydro contreviendrait à la Loi sur l'intérêt».

Dans ces chroniques, je dénonçais la décision d'Hydro-Québec d'avoir introduit à partir de janvier 2008 une nouvelle facture qui omet de donner le taux annualisé des frais d'intérêt (qualifié par Hydro de frais d'administration) chargés mensuellement sur les paiements versés en retard.

Sur les factures en vigueur jusqu'en décembre 2007, on pouvait lire l'avis suivant: «Payer en retard entraîne des frais calculés à un taux composé de 1,2% par mois (15,38% par an) à partir de la date de facturation.»

À partir de janvier 2008, la nouvelle facture d'Hydro-Québec renfermait une importante modification au sujet des frais d'intérêt. Le nouveau libellé sur les frais d'intérêt, toujours en vigueur, se lit comme suit: «Payer en retard entraîne des frais d'administration calculés au taux mensuel de 1,2% à partir de la date de facturation.»

Vous remarquerez ici deux changements majeurs.

Un, Hydro-Québec introduit ici une nouvelle notion: on ne parle plus de frais, mais de frais d'administration.

Deux, Hydro ramène le calcul des frais d'intérêt à un simple «taux mensuel de 1,2% à partir de la date de facturation». La précédente formulation mentionnait un «taux composé de 1,2% par mois (15,38% par an) à partir de la date de facturation».

Avec la nouvelle facture, Hydro-Québec omet donc carrément d'informer ses clients que ledit «taux mensuel de 1,2%» se transformera dans les faits en un taux composé de 1,2%, soit également 15,38% par année.

À preuve, dans sa directive «Frais liés au service d'électricité», en vigueur le 1er avril 2008, Hydro-Québec indique la façon dont elle calcule le taux de ses nouveaux «frais d'administration».

On y découvre que le taux des frais d'administration est finalement basé sur l'évolution des «fourchettes de référence des taux d'intérêt préférentiels de la Banque Nationale du Canada».

Ainsi, pour un taux préférentiel de 7,99% et moins, le taux des frais d'administration d'Hydro-Québec sera égal à un taux mensuel de «1,2% soit 15,38% l'an», mentionne-t-on dans ladite directive.

Question: pourquoi Hydro-Québec a-t-elle omis cette information sur le coût annualisé de ses frais d'intérêt mensuels?

Dans sa défense, Hydro-Québec estime qu'elle n'est absolument pas assujettie à la Loi sur les intérêts, laquelle oblige les entreprises à divulguer sur leurs factures et relevés le taux annualisé d'un taux d'intérêt mensuel qui dépasse les 5%.

Son prétexte? Hydro facture des «frais d'administration» et non des frais d'intérêt.

Dans leur argumentation, les avocats du recours collectif essaieront de convaincre le juge que la société d'État trompe littéralement ses clients avec son libellé sur les frais d'administration.

Comme la grille du taux des frais d'administration d'Hydro repose strictement sur l'évolution du taux préférentiel de la Banque Nationale, comment Hydro peut-elle nier le constat qu'il s'agit dans les faits d'un taux d'intérêt sur les paiements en retard?

L'interprétation du juge sur cette question de «frais d'administration versus frais d'intérêt» sera déterminante pour l'avenir des frais d'intérêt facturés par les entreprises de tout acabit (banques, marchands, gouvernements, etc.) sur les paiements en retard de leurs clients.

Si le juge accepte l'argumentation d'Hydro d'exclure ce genre de «frais d'administration» de la Loi sur l'intérêt, attendez-vous à ce que toutes les sociétés (publiques et privées) troquent dorénavant leurs frais d'intérêt contre des frais... d'administration!

On ne verra sur nos factures qu'un «petit» taux mensuel, lequel est 13 fois moins élevé que le réel taux annualisé.