Officiellement, le réseau de transport d'Hydro-Québec est ouvert à tous les producteurs d'énergie qui sont prêts à payer les frais d'accès. Dans les faits, ce n'est pas le cas, soutiennent le gouvernement de Terre-Neuve et sa société énergétique Nalcor, qui plaideront leur cause la semaine prochaine devant la Régie de l'énergie.

Nalcor a déposé quatre plaintes devant la Régie après avoir essayé sans succès de réserver les lignes de transport d'Hydro-Québec pour acheminer vers le marché américain l'énergie qui sera produite par le développement hydroélectrique du Bas-Churchill.Terre-Neuve fonde de grands espoirs dans ce mégaprojet, a expliqué hier le président de Nalcor, Ed Martin, lors d'une rencontre avec la presse montréalaise. Après avoir lancé un appel d'offres pour trouver des investisseurs intéressés à investir dans son projet, le gouvernement de Dany Williams a mis de côté les 25 propositions reçues (dont celle d'Hydro-Québec, conjointement avec le gouvernement de l'Ontario et SNC-Lavalin) et résolu de le développer seul.

Il s'agit d'un investissement de 6,5 milliards qui doit générer 2800 mégawatts d'électricité, soit deux fois la production de la centrale La Grande-1 à la Baie-James.

Pour rentabiliser son projet, Nalcor doit absolument avoir accès au marché américain, soit en passant par le réseau québécois, soit en construisant un lien sous-marin pour rejoindre la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, jusqu'en Nouvelle-Angleterre.

La moins coûteuse des deux options est d'emprunter le réseau d'Hydro-Québec, reconnaît Ed Martin.

Toutefois, Hydro-Québec soutient qu'il n'y a pas de capacité disponible sur son réseau à partir de Churchill et qu'il faudrait que Terre-Neuve investisse jusqu'à 3 milliards pour construire une nouvelle ligne afin de faire transiter son électricité vers les États-Unis.

Terre-Neuve est prêt à payer mais veut d'abord avoir la preuve qu'il n'y a pas de capacité disponible, une preuve qu'Hydro-Québec a refusé de lui fournir, a expliqué hier M. Martin.

De même, Nalcor se plaint du refus d'Hydro-Québec de lui louer l'accès à une partie disponible de son réseau de transport vers les États-Unis en alléguant que le réseau ne peut pas être loué partiellement. Or, Hydro-Québec Production, une division d'Hydro-Québec, a pu louer cette partie disponible, ce qui constitue de la discrimination, selon le président de Nalcor.

La transparence des informations et l'absence de discrimination sont les deux pré-requis acceptés par Hydro-Québec lorsqu'elle a ouvert son marché à la concurrence des autres producteurs d'énergie en 1997, afin de pouvoir continuer d'exporter de l'électricité aux États-Unis, a rappelé hier Me André Turmel, l'avocat spécialisé en énergie qui représente Nalcor devant la Régie de l'énergie. Les audiences publiques commencent mardi prochain et dureront trois semaines.

C'est la première fois que la Régie se penche sur une plainte portant sur la concurrence dans le marché de gros de l'électricité au Québec.

Hydro-Québec se refuse à tout commentaire sur ses litiges avec Terre-Neuve. Encore une fois hier, la société d'État québécoise a préféré garder le silence.

L'audition des plaintes de Nalcor arrive alors que le gouvernement de Terre-Neuve annonce son intention de contester de nouveau devant les tribunaux le contrat conclu avec Hydro-Québec en 1969.

En vertu de ce contrat, Hydro-Québec peut acheter l'énergie de Churchill à un prix dérisoire (et décroissant) jusqu'en 2041. Même si Terre-Neuve n'a jamais réussi à faire rouvrir ce contrat malgré plusieurs recours aux tribunaux, son gouvernement pense avoir gain de cause en invoquant la notion de «bonne foi» introduite lors de la refonte du Code civil du Québec en 1994.

Le contrat de 1969 et l'accès au réseau de transport sont deux dossiers séparés, a soutenu hier le président de Nalcor, qui a précisé que la première plainte sur le déni d'accès au réseau d'Hydro-Québec remonte à 2006.

Nalcor veut faire transiter une partie de l'énergie du Bas-Churchill vers la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick et une demande d'accès au réseau de transport du Nouveau-Brunswick a été faite, a indiqué hier Ed Martin.

Selon lui, compte tenu de la difficulté pour Terre-Neuve d'emprunter le réseau d'Hydro-Québec, il y a lieu de s'inquiéter de l'accessibilité au réseau de transport du Nouveau-Brunswick si Hydro-Québec réussit à acheter Énergie NB.