Malgré les rebuffades qu'il a déjà subies, le gouvernement de Terre-Neuve a décidé d'attaquer de nouveau le contrat de Churchill Falls conclu avec Hydro-Québec. Sa société d'État Nalcor a redemandé hier à Hydro-Québec de renégocier à la hausse le contrat de vente de l'électricité qui les lie jusqu'en 2041.

«C'est une question de bonne foi», a résumé hier Ed Martin, président de Nalcor, société d'État qui est aussi propriétaire des centrales de Churchill Falls dont presque toute l'électricité, soit environ 4000 mégawatts, est vendue à Hydro-Québec à un prix très bas.

M. Martin a expliqué en conférence de presse qu'après avoir consulté plusieurs juristes québécois, dont Jean-Louis Baudoin, de Fasken Martineau, et Pierre-Gabriel Jobin, de l'Université McGill, Terre-Neuve croit possible d'obliger Hydro-Québec à renégocier le contrat en vertu du Code civil québécois.

La requête a été envoyée au président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, et une réponse de sa part est attendue avant le 15 janvier. «La balle est dans leur camp», a dit M. Martin.

Hydro-Québec s'est empressée de répondre... qu'il n'y aura pas de réponse, du moins pour l'instant. «Notre réponse se résumera à «Hydro-Québec n'émettra aucun commentaire à ce propos»», a fait savoir le porte-parole de la société d'État, Marc-Brian Chamberland.

Ce n'est pas la première fois que Terre-Neuve tente, sans succès, de faire annuler ce contrat conclu en 1969 pour 65 ans. La cause s'est même rendue jusqu'à la Cour suprême, qui a donné raison à Hydro.

Pour sa part, Hydro-Québec a déjà manifesté une intention de rouvrir le contrat, mais à condition de participer au projet de développement hydroélectrique du Bas-Churchill, ce que Terre-Neuve a fini par refuser.

Les relations se sont encore détériorées entre les deux parties depuis qu'Hydro-Québec a fait connaître son intention d'acheter le réseau de production, de transport et de distribution du Nouveau-Brunswick, ce qui, si la transaction se réalise, empêcherait Terre-Neuve d'exporter l'électricité du Bas-Churchill aux États-Unis en passant par le Nouveau-Brunswick.

Forte opposition

La transaction entre Hydro et Énergie NB suscite beaucoup d'opposition au Nouveau-Brunswick. En décidant de remettre dans l'actualité son contrat honni avec Hydro-Québec, Terre-Neuve pourrait attiser le sentiment anti-Hydro-Québec croissant dans la province voisine et peut-être contribuer à faire capoter la transaction.

«Effectivement, Terre-Neuve cherche à présenter le Québec comme un partenaire qui n'est pas disposé à discuter et ainsi contribuer aux sentiments négatifs de certains, au Nouveau-Brunswick», estime Pierre-Oliver Pineau, spécialiste en énergie et professeur à HEC-Montréal.

Le président de Nalcor a soutenu hier que la décision de réclamer encore une fois la renégociation du contrat avec Hydro-Québec n'est pas liée à la transaction annoncée avec le Nouveau-Brunswick.

Ed Martin a répété que le contrat est injuste pour Terre-Neuve et qu'Hydro-Québec a l'obligation d'en renégocier les termes pour respecter la loi qui dit que les signataires d'un contrat doivent agir de bonne foi tout au long de la durée de ce contrat.

Le contrat conclu entre Hydro et Churchill Falls (Labrador) Corporation, ou CF (L) Co. est tout à l'avantage du Québec. Hydro paie actuellement un quart de cent le kilowattheure pour l'électricité de Churchill et, en 2016, le contrat sera renouvelé automatiquement à un prix encore plus bas, soit un cinquième de cent, jusqu'en 2041.

Hydro peut vendre cette énergie jusqu'à 40 fois plus cher à ses clients, ce qui contribue depuis des décennies à sa rentabilité.

Terre-Neuve, par contre, soutient que le prix de vente de l'électricité correspond à seulement 5% de sa valeur sur le marché et que le producteur CF (L) Co. ne réalisera aucun rendement sur son investissement pendant les 32 prochaines années.

Argument

Même si les tribunaux ont déjà rejeté ses arguments, Terre-Neuve estime que le marché de l'énergie a changé depuis 1969 et qu'il était impossible de prévoir ces changements.

«Ces changements impossibles à prévoir, de même que la durée extraordinaire du contrat, ont causé une grossière injustice dans la distribution des bénéfices du contrat entre Hydro-Québec et CF (L) Co.», a plaidé le président de Nalcor Energy, Ed Martin.

Comparaison Avantageuse À Hydro

Prix de l'électricité achetée à Terre-Neuve: un quart de cent le kilowattheure

- Prix de l'électricité vendue au Québec: 7 cents le kilowattheure