Des forestières canadiennes qui font de l'argent par les temps qui courent? Ça existe. Deux entreprises inscrites à la Bourse de Toronto ont actuellement le vent dans les voiles. Leur truc: faire pousser des arbres... en Chine.

Sino-Forest [[|ticker sym='T.TRE'|]], dont le siège social est à Toronto, a dévoilé hier des résultats du troisième trimestre à faire saliver d'envie les dirigeants d'AbitibiBowater qui tentent actuellement de s'extirper de la faillite.

Au menu: des revenus en hausse de 25% et des profits par action qui grimpent de 18% par rapport à la même période l'an dernier.

«Nous sommes très heureux de dévoiler un autre trimestre fort malgré les faibles prix qui touchent la plupart des matières premières, dont le bois, en cette période de ralentissement économique», a dit hier Allen Chan, président du conseil et chef de la direction de Sino-Forest.

L'action de l'entreprise a pris 0,91% hier dans un marché en baisse pour clôturer à 17,71$; elle a gagné plus de 79% depuis de début de l'année. Pendant la même période, l'ensemble du sous-secteur des produits forestiers a pris 38% dans la foulée de la reprise économique.

Le secret

Le secret de cette performance? C'est que Sino-Forest ne récolte pas des épinettes dans les régions reculées du Canada. Elle a plutôt décidé de faire pousser des essences comme l'eucalyptus, le pin ou le sapin chinois directement en Chine.

L'entreprise abat ses arbres pour en faire des bûches, ou encore les vend alors qu'ils sont toujours debout, laissant le soin à l'acheteur de les couper. Elle a aussi une unité manufacturière qui fabrique des blocs et des planchers de bois.

Mais surtout, Sino-Forest replante des arbres et fait de la recherche (biologie moléculaire et génétique) pour accoucher d'essences d'arbres qui poussent plus vite.

L'entreprise a une petite soeur à la Bourse de Toronto, Cathay Forest Products, qui exploite entre autres des plantations de peupliers et de bambous en Chine et en Russie. Cathay, qui existe depuis 2004, vient de déjouer les analystes en annonçant les premiers profits de son histoire cette semaine.

Le chiffre d'affaires de Cathay Forest est beaucoup plus faible que celui de Sino (25 millions CAN en 2008 comparativement à 901 millions US pour Sino-Forest), mais son action a gagné plus de 100% à la Bourse croissance de Toronto depuis le début de l'année.

«Ces deux entreprises sont uniques sur le TSX et leur avenir est extrêmement bon pour une raison bien simple: la demande pour le bois croît à un rythme annuel supérieur à 10% par année en Chine», a dit à La Presse Affaires Richard Kelertas, analyste chez Dundee Marchés des capitaux.

Quand le gouvernement chinois parle

Actuellement, les quatre analystes recensés par l'agence Bloomberg qui couvrent Cathay Forest recommandent d'en acheter le titre. Ils prévoient un prix cible de 98 cents, comparativement à 69 cents hier à la clôture. Quant à l'action de Sino-Forest, huit analystes sur 10 en recommandent l'achat, tandis que deux suggèrent de la conserver. Prix cible de 21,75$, soit 4$ de plus que le cours actuel.

Selon Paul C. Quinn, analyste chez RBC Marchés des capitaux, Sino-Forest est particulièrement bien placée pour mettre le grappin sur plusieurs lots de forêt dont le gouvernement chinois cherche à se départir d'ici les cinq prochaines années.

L'analyste cite «le bon historique opérationnel, la réputation et les bonnes relations avec le Bureau de la Foresterie» de Sino-Forest pour justifier ses prévisions.

Sino-Forest rappelle, quant à elle, que le gouvernement chinois a affirmé devant l'ONU vouloir augmenter la superficie de ses forêts pour absorber ses émissions de gaz à effet de serre, et affirme pouvoir en bénéficier.

«C'est vrai, croit l'analyste Richard Kelertas, qui estime que Cathay Forest en bénéficiera tout autant. Tout le monde qui plante des arbres en Chine verra plusieurs de ses taxes réduites dramatiquement.»