Le géant russe de l'énergie Gazprom, qui domine déjà les marchés du gaz en Europe et dans certaines régions d'Asie, veut maintenant s'emparer de 10% du marché américain dans la décennie à venir, prévient l'un de ses dirigeants.

Le premier producteur de gaz naturel mondial veut réitérer sa réussite enregistrée en Europe, où il répond à 25% de la demande de gaz, explique à l'AFP John Hattenberger, président de Gazprom Marketing & Trading aux États-Unis. «Notre objectif est de commencer par frapper fort... et ensuite produire jusqu'à 80 millions de mètres cubes par jour dans cinq ans», précise-t-il, avant d'évoquer des objectifs de production qui pourraient doubler d'ici 2019 jusqu'à 10% du marché.

Le groupe, souvent accusé de véhiculer les ambitions géopolitiques de Moscou, est en train d'élaborer de multiples accords pour étoffer des activités nord-américaines encore modestes, selon John Hattenberger, qui réfute toute motivation politique et souligne les opportunités offertes par le marché américain, premier consommateur mondial d'énergie.

«Nous sommes à la recherche de sociétés qui ont une position importante dans le secteur du gaz aux États-Unis et qui cherchent à s'agrandir en Europe. Ainsi, nous vendrons du gaz en Europe et elles nous vendront du gaz aux États-Unis», explique-t-il.

Depuis que Gazprom a commencé à fonctionner aux États-Unis début octobre, il a déjà annoncé un accord d'échange avec le géant français de l'énergie EDF portant sur 17 millions de mètres cubes par jour.

Les nouveaux contrats «tendent à être du même ordre, ou légèrement plus importants», précise M. Hattenberger.

Gazprom a très certainement les ressources pour atteindre ces objectifs, en particulier si le champ Chtokman, situé dans la région arctique de la Russie, entre en service en 2014 comme prévu.

Mais selon Fadel Gheit, analyste chez Oppenheimer, Gazprom, ainsi que d'autres grandes compagnies étrangères, pourrait avoir d'autres motivations.

Selon lui, le véritable objectif de Gazprom pourrait être d'acquérir les technologies de pointe capables d'exploiter les réserves, difficiles d'accès mais au potentiel gigantesque, de gaz de schistes.

«Les États-Unis sont bien plus avancés dans la technologie de forage du gaz de schiste. Elle est globalement dans les mains de petits producteurs, pas des grandes entreprises comme Exxon, BP ou Shell», note Fadel Gheit.

«Ces sociétés sont en train de payer un prix considérable pour accéder à la technologie. Je ne pense pas que Gazprom soit intéressé par la production en elle-même, mais par la technologie utilisée. Cela revient à payer pour apprendre», ajoute-t-il.

Gazprom pourrait faire face à un vrai défi commercial aux États-Unis, alors que les marchés chinois, en pleine expansion, et européens, où les prix de l'énergie sont élevés, restent plus attractifs.

Toutefois, les analystes du secteur s'attendent à ce que les différences s'atténuent au fur et à mesure que les marchés s'internationalisent et que les géants comme Gazprom ou les sociétés chinoises vont s'intéresser à de nouveaux marchés.

Et les affaires du russe pourraient bénéficier des réflexions du Congrès américain, qui planche sur un dispositif de réduction des émissions de gaz carbonique. Un projet dont John Hattenberger se félicite, le gaz étant considéré comme une alternative propre au charbon et au pétrole.