Pour rester concurrentielle, l'industrie québécoise de l'aluminium devra doubler sa capacité de production au cours des 15 prochaines années. Mais pour y arriver, l'industrie estime que deux conditions sont essentielles: une énergie à un coût concurrentiel et prévisible, de même qu'une reconnaissance de ses efforts passés dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

En entrevue à La Presse Affaires, le président-directeur général de l'Association de l'aluminium du Canada (AAC), Jean Simard, rappelle que pour suivre l'augmentation de la demande prévue principalement en Chine, l'industrie mondiale de l'aluminium doublera sa capacité de production en 15 ans. Et le Québec, troisième producteur du monde, devra suivre la cadence pour demeurer dans le peloton de tête.

Les trois grands acteurs qui forment l'AAC (Alcoa, Alouette et Rio Tinto Alcan) ont déjà des projets d'expansion qui visent à maximiser les alumineries actuelles, dont 10 sur 11 sont au Québec. Ces projets, qui s'ajouteraient aux 700 millions de dollars qu'investissent annuellement les alumineries, leur permettraient de rester concurrentielles pendant la croissance du marché, soutient M. Simard.

Mais il y a deux conditions, insiste-t-il. «Il faut avoir les blocs d'énergie à des taux concurrentiels et prévisibles, sans choc tarifaire.»

Et avec la lutte contre les gaz à effet de serre, les systèmes de droits d'émission et de cibles de réduction qui se mettront en place devront prendre en considération les efforts passés des alumineries.

L'industrie de l'aluminium a réduit de 10% ses émissions de GES entre 1990 et 2006, tout en doublant sa capacité de production, affirme l'AAC. «Il faut s'assurer qu'on prenne en compte le caractère particulier de l'aluminium, qu'on reconnaisse la contribution de notre secteur par le passé et la limite de notre capacité de diminuer nos émissions dans le futur», dit M. Simard.

«On a fait à peu près le maximum, poursuit-il. Il reste quelques cuves Soderberg à modifier, mais on aura probablement en 2015 la meilleure technologie disponible dans les alumineries existantes. En termes de réduction de GES, ce sera difficilement améliorable.»

Incertitude à Ottawa

Les alumineries craignent que le gouvernement fédéral impose des cibles de réduction uniformes pour toutes les industries, et que l'industrie de l'aluminium ne soit pas en mesure de les atteindre.

L'AAC demande donc au gouvernement fédéral d'assurer que des industries comme celles de l'aluminium auront droit à un traitement particulier au regard de leurs efforts passés.

En 2008, la société papetière Cascades avait aussi indiqué qu'elle serait pénalisée si ses efforts antérieurs n'étaient pas reconnus.

Le gouvernement fédéral veut réduire de 20% d'ici 2020 l'intensité des émissions de GES au pays, par rapport au niveau de 2006. Il a publié un cadre réglementaire en 2007 et l'a mis à jour en 2008, mais le cadre n'a jamais été concrétisé légalement.

Dans un discours en juin, le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, indiquait que les règlements pour la réduction des GES seront élaborés en 2010 et entreront en vigueur en 2011.

«Je ne peux pas, à ce moment-ci, dire s'il y a aura, secteur par secteur, une reconnaissance des efforts passés ou non, a indiqué hier l'attaché de presse du ministre Prentice, Frédéric Baril. Tout est en développement.»

Cette incertitude dérange l'industrie de l'aluminium. «On a encore des investissements majeurs qui s'en viennent pour moderniser les installations, et on voudrait s'assurer que ce soit reconnu dans l'avenir», dit Jean Simard.

De son côté, Québec reconnaît que certains secteurs industriels, dont les alumineries, ont déjà fait leur bout de chemin. Avec les provinces et États américains membres du Western Climate Initiative, Québec discute d'un système de plafonnement et d'échange de crédits d'émission dont les modalités pourraient tenir compte des efforts passés des différentes industries.