Prenez une roulotte. Peignez-la de scènes illustrant des pépites d'or, des loups et des motoneiges. Remplissez-la de télés qui diffusent des images de la Baie-James, attachez ça à une camionnette et allez garer le tout devant l'Université McGill. Une chose est sûre : vous allez attirer l'attention.

C'est exactement ce que cherche à faire le Comité mines action, qui a mis en branle hier une vaste campagne de recrutement intitulée « La ruée vers le Nord » et qui vise à contrer la pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur minier de la région de la Baie-James.

De Montréal à la Mauricie en passant par l'Abitibi et le Lac-Saint-Jean, le groupe déplacera son barda dans tout le Québec jusqu'au 7 octobre. L'objectif : recruter 1000 travailleurs d'ici cinq ans qui accepteront de s'embarquer vers la Jamésie, cette immense région du Québec qui borde la baie James et est prise en sandwich entre l'Abitibi au sud et le Nunavik au nord.

« Géologues, ingénieurs, mineurs d'extraction, foreurs, mécaniciens, électriciens, comptables... On a besoin de tout «, a expliqué Alain Poirier, président du Comité mines action.

Le Comité, financé à 60 % par des fonds publics et à 40 % par les entreprises minières, dispose d'un budget de 575 000 $ sur trois ans pour convaincre les jeunes de choisir la région.

Avec six mines en exploitation, une dizaine de nouvelles qui pourraient voir le jour au cours des prochaines années et près de 250 projets d'exploration, la Jamésie a raflé la part du lion de l'exploration minière l'an dernier. Exactement 241 millions de dollars y ont été dépensés en 2008, comparativement à 155 millions en Abitibi.

Un boom ? Oui. Le hic, c'est qu'il a été ébranlé par la crise financière. Jean-Pierre Thomassin, directeur général de l'Association de l'exploration minière du Québec, croit d'ailleurs que les chiffres de cette année montreront une importante diminution des investissements en Jamésie, qui devrait se faire à nouveau doubler par l'Abitibi.

« Avec la crise, les entreprises sont revenues vers le sud, où ça coûte moins cher d'explorer », dit-il de son bureau de Val-d'Or, en Abitibi.

Pourquoi alors lancer une vaste campagne de recrutement visant une région dont les activités ralentissent ?

« À court terme, ça paraît un peu curieux, admet M. Thomassin. Mais sur cinq ans, ç'a de l'allure. Les gens quittent la région actuellement, et si tous les projets en cours se concrétisent, il y aura plein de projets miniers en Jamésie. Il risque effectivement d'avoir un important problème de main-d'oeuvre. »

Il faut dire que la lutte est féroce pour attirer les travailleurs miniers. La ville de Malartic, où l'entreprise Osisko commencera sous peu la construction de la plus grosse mine d'or au Québec, a déboursé 3500 $ pour vanter ses attraits sur la chaîne LCN dans une série de publicités télé.

Le Comité action mines, lui, s'est adjoint les services du comédien François Gadbois (le frisé des annonces de Rogers) pour porter son message.

« Les jeunes sont souvent mal informés, dit le comédien. Ils pensent encore qu'on descend avec des cages et qu'on oublie des mineurs en bas. On est là pour les informer et leur dire que ça a changé. Il y a des opérations aujourd'hui qui s'apparentent aux chirurgies à distance, avec des équipements téléguidés. »

Le groupe ne s'adresse pas qu'aux titulaires de doctorat en géophysique. Selon Luc Letendre, coordonnateur de la tournée « La ruée vers le Nord «, un jeune qui a fini son 3e secondaire peut s'inscrire à un DEP en techniques minières ; six mois plus tard, il travaillera dans la mine.

La campagne semble déjà porter ses fruits. Selon son président, Alain Poirier, une quarantaine de CV avaient été reçus en fin d'après-midi au Comité sectoriel de la main-d'oeuvre concernant des emplois miniers en Jamésie.