La Chine va investir la somme record de 1,7 milliard de dollars dans l'exploitation de sables bitumineux dans l'ouest canadien, illustrant la reprise de cette industrie controversée, mais aussi le récent changement d'attitude d'Ottawa à l'égard de Pékin, selon des experts.

La société canadienne Athabasca Oil Sands a annoncé lundi un accord avec le groupe PetroChina, détenu par le gouvernement chinois, pour une prise de participation majoritaire dans les projets d'exploitation MacKay River et Dover, moyennant 1,9 milliard de dollars canadiens.

Il s'agit d'un des plus importants investissements d'une société chinoise au Canada, dont les sols de l'ouest du pays contiendraient l'équivalent de 175 milliards de barils de pétrole, soit les secondes réserves d'or noir de la planète après l'Arabie Saoudite.

La transaction conclue entre les deux groupes pétroliers est en outre l'une des plus importantes dans les sables bitumineux canadiens depuis un an et la crise économique mondiale.

À la différence de la majorité du pétrole mondial, liquide, le pétrole des sables bitumineux est un mélange solide, composé de bitume brut, de sable, d'argile et d'eau. Ce n'est qu'au terme d'un coûteux et polluant processus que l'or noir est obtenu.

Or, avec la chute des cours du baril de pétrole, qui sont passés de 150 à 50 dollars en quelques semaines, «les investissements dans les sables bitumineux ont été suspendus», rappelle à l'AFP Robert Mansell, économiste à l'université de Calgary.

«Mais avec des prix entre 60 et 70 dollars (comme c'est le cas actuellement), cela redevient rentable», ajoute-t-il.

L'investissement du géant chinois est donc «un autre exemple du regain d'intérêt et de la reprise des travaux dans les sables bitumineux», ajoute Joseph Doucet, spécialiste des politiques énergétiques à l'université d'Alberta.

Il remarque toutefois que, l'économie chinoise étant en sur-régime depuis plusieurs années et possédant beaucoup de liquidités, «il est possible que le gouvernement chinois aurait agi de la même façon peu importe le prix» car l'objectif de Pékin est de s'assurer des sources d'approvisionnement fiables. «Le projet Athabasca ne produira pas de pétrole la semaine prochaine ou dans deux ans, c'est un projet de beaucoup plus longue haleine», souligne-t-il.

Reste cependant à faire approuver cette transaction par les autorités canadiennes. Le gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper a historiquement été en froid avec Pékin. Le Canada n'a pas été représenté par un chef d'État ou de gouvernement à l'ouverture des JO de Pékin, il y a un an.

«On a vu un changement d'attitude de la part du gouvernement fédéral vis-à-vis de la Chine de façon générale dans les derniers mois», note M. Doucet. Au début du mois, le ministre des Finances, Jim Flaherty, s'est rendu en Chine en compagnie du gouverneur de la Banque du Canada, Mark Carney, et des dirigeants des grandes banques nationales.

De plus, en permettant aux groupes pétroliers chinois d'exploiter les sables bitumineux de l'Alberta, Ottawa s'assure de la pérennité de cette industrie, appui traditionnel de M. Harper - lui-même élu dans cette province - juge Christopher Thompson, professeur de science politique à l'Université Concordia.

«Avec la nouvelle administration américaine plus critique face à cette ressource, car polluante, c'est de bonne guerre de permettre aux Chinois d'occuper le terrain: ceux-ci n'ont pas les mêmes réticences» environnementales, assure M. Thompson.