Royal Dutch Shell et Exxon Mobil, les deux plus importantes compagnies d'énergie au monde, font appel à une technologie conçue pour éliminer les inconvénients environnementaux de l'exploitation des sables bitumineux au Canada.

Un nouveau procédé appelé traitement par moussage à haute température réduit de 10% à 15% les émissions de gaz à effet de serre produites lors de l'extraction du pétrole brut contenu dans le sable, a expliqué Brad Komishke, un chimiste de Shell à la tête de 50 scientifiques qui planchent sur de nouvelles techniques d'exploitation des sables bitumineux à Calgary.

«Cela signifie une production moindre de la partie la plus lourde et la plus sale de la charge d'alimentation de pétrole brut et donc, moins de pollution», a indiqué M. Komishke lors d'une entrevue dans les laboratoires de Shell à l'Université de Calgary. «C'est une utilisation plus efficace de l'énergie », a-t-il ajouté.

Shell et Exxon Mobil soutiennent que leur procédé fera en sorte que l'exploitation des sables bitumineux ne sera pas plus polluante que celle des puits conventionnels dans des lieux comme le Texas et la mer du Nord. Si cela s'avère, la nouvelle technique est susceptible d'affecter la vendabilité du pétrole brut tiré des sables bitumineux canadiens d'une valeur de plus de 1000 milliards US selon les prix actuels sur le marché. Les sables bitumineux forment le gisement de pétrole le plus important hors de l'Arabie saoudite.

Environ 60% du brut tiré des sables bitumineux est exporté aux États-Unis où des groupes environnementaux tels que le Natural Resources Defense Council (NRDC) ont exercé des pressions sur les législateurs pour qu'ils mettent en place des normes obligeant les producteurs soit à réduire l'impact des émissions soit à acheter des crédits carbone. Le pétrole provenant des sables bitumineux du Canada génère jusqu'à 40% plus d'émissions de gaz à effet de serre que les puits conventionnels, soutient le NRDC. Pour sa part, l'Institut de la recherche sur l'énergie de l'Alberta estime l'écart à 10%.

Une réduction de 15% des émissions ne rendrait pas les nouveaux projets dans les sables bitumineux aussi propres que le brut conventionnel, et cela ne contribuerait guère à s'attaquer au problème du pétrole plus polluant tiré des mines existantes, a soutenu Simon Mui, un scientifique du NRDC à San Francisco. Selon lui, l'industrie du pétrole doit en faire davantage comme trouver des moyens de capter et de stocker le dioxyde de carbone et de réduire l'impact environnemental des mines nouvelles et anciennes.

La technologie mise au point par Shell, une compagnie établie à La Haye, aux Pays-Bas, et par Exxon Mobil, d'Irving, au Texas, consiste à soumettre le bitume, qui ressemble à du goudron, à une mousse dans un réservoir sous pression à des températures suffisamment élevées pour déclencher des extincteurs automatiques. Shell et Exxon Mobil ont refusé de fournir des données quant aux coûts de leur nouvelle technologie applicable aux projets dans les sables bitumineux.

À l'heure actuelle, la pratique veut que l'on chauffe à répétition le sol contenant le bitume à une température de 40 degrés Celsius dans des réservoirs de 60 mètres de largeur jusqu'à ce que le pétrole brut et le sable se séparent. Dans le cadre de l'agrandissement de son projet Athabasca, près de Fort McMurray, en Alberta, une affaire de 13,7 milliards$US, Shell a procédé cette semaine à la construction de deux réservoirs de 20 mètres de diamètre où les sables bitumineux seront chauffés, sous pression, à 80 degrés Celsius, ce qui créera une mousse riche en pétrole en une seule étape.

« Si nous pouvons traiter cette mousse à des températures plus élevées, nous pouvons obtenir la séparation plus rapidement, ce qui signifie des réservoirs plus petits et moins d'énergie utilisée dans le procédé », soulignait cette semaine Tim Wiwchar, un responsable de la mine Athabasca, au cours d'une entrevue.

Shell, Exxon Mobil et d'autres producteurs comptent sur le marché américain pour absorber la production des sables bitumineux qui doublera presque au cours des six prochaines années, selon Greg Stringham, vice-président de l'Association canadienne des producteurs de pétrole.