L'an dernier à pareille date, le prix du pétrole battait des records. Les Québécois qui chauffaient leur maison au mazout se sont convertis massivement à l'électricité. D'autres, un peu partout dans le monde, ont acheté un poêle à granules.

La demande pour les petits cylindres de résidus de bois pressés utilisés pour le chauffage a donc explosé, notamment en Europe, qui en importe des tonnes des États-Unis et s'en sert pour générer de l'électricité.

Au Québec, le marché est en croissance, mais c'est loin d'être la folie. «La capacité de production dépasse largement les besoins du marché québécois», dit John Arsenault, de la compagnie Energex, qui produit des granules à Lac-Mégantic depuis 26 ans.

«Tous les producteurs du Québec doivent être des exportateurs, explique John Arsenault. On a une capacité de production de 200 000 tonnes par année et la consommation totale est d'environ 50 000 tonnes.»

Si des détaillants ont manqué de granules l'hiver dernier, c'est parce que les consommateurs de la Nouvelle-Angleterre se sont rués sur les poêles à granules en prévision de la saison froide. La production québécoise a donc été plus rapidement écoulée et les détaillants qui n'avaient pas acheté suffisamment de granules ont eu du mal à se réapprovisionner.

Des granules, le Québec pourrait en consommer beaucoup plus, ce qui soulagerait le réseau d'Hydro-Québec soumis à un stress énorme pendant les grands froids de janvier.

Le principal frein à l'essor des sources alternatives de chauffage, les granules comme les autres, ce sont les tarifs d'électricité trop bas, selon John Arsenault.

À l'autre bout du Québec, à Saint-Félicien au Lac-Saint-Jean, Ken St-Gelais est d'accord avec lui. «La Norvège consomme 1 million de tonnes de granules par année contre 50 000 tonnes au Québec, pour une population équivalente», illustre le directeur financier de Granules LG.

Contrairement à Énergex, qui exporte la plus grande partie de sa production en Nouvelle-Angleterre, Granules LG exporte très peu. «On a déjà exporté en Europe, mais il est venu un temps où on ne pouvait plus fournir à la demande du marché d'ici. On a fait le choix de desservir le marché québécois en priorité», dit Ken St-Gelais.

Le marché des granules pour le chauffage résidentiel a démarré au début des années 90, avec la mise en marché de nouveaux équipements résidentiels pour brûler les résidus de bois. Il a ensuite été alimenté par la hausse des prix de l'énergie. «En Italie, en 2001, il n'y avait aucun poêle à granules, souligne Ken St-Gelais. En 2007, il y en avait 1 million.»

Le marché des granules est étroitement lié aux prix de l'énergie, notamment ceux du mazout et du gaz naturel, les deux principales sources d'énergie utilisées pour le chauffage partout dans le monde, à l'exception du Québec où 75% des maisons sont chauffées à l'électricité.

Au Québec, malgré le prix relativement bas de l'électricité, les granules seront de plus en plus utilisées en tant que chauffage d'appoint, croit Ken St-Gelais. «C'est un combustible vert, qui n'émet pas de gaz à effet de serre et qui est très efficace.»

Les villes qui, comme Montréal, ont interdit les poêles à bois, ont donné sans le vouloir un bon coup de pouce à l'industrie de la granule, reconnaît-il.

John Arsenault, lui, croit que le gouvernement pourrait faire beaucoup plus pour favoriser l'utilisation de la biomasse. La centrale d'appoint d'Hydro-Québec à Sorel-Tracy pourrait être alimentée aux granules plutôt qu'au mazout, suggère-t-il. Les résidants des Îles-de-la-Madeleine, qui sont desservis par une centrale au mazout, amélioreraient aussi leur environnement en utilisant les granules.

Énergie renouvelable

Les granules ne servent pas uniquement à alimenter les poêles au sous-sol des maisons. En Europe, elles sont utilisées massivement et de plus en plus par les producteurs d'électricité. À cause des règles de l'Union européenne qui obligent les États membres à utiliser 20% d'énergie renouvelable dans la production d'électricité, plusieurs entreprises d'électricité ont redécouvert la granule, a rapporté récemment le Wall Street Journal.

La modeste granule est maintenant considérée comme une source d'énergie renouvelable moins coûteuse que les panneaux solaires et les éoliennes.

La seule limite à sa croissance, c'est la disponibilité de la matière première, le bran de scie et les résidus forestiers. Au Québec, où les scieries ont réduit leurs activités en raison de la récession américaine, les producteurs de granules ont dû chercher d'autres sources d'approvisionnement.

Énergex utilise des copeaux, ce qui est plus coûteux, et Granules LG a investi pour pouvoir récupérer le bois brûlé et l'utiliser dans la fabrication de granules.