L'aide financière offerte par Québec à la société papetière AbitibiBowater (T.ABH) pour sa restructuration irrite des créanciers qui détiennent pour des centaines de millions en titres de dette.

Les créanciers, qui détiennent en tout pour 800 millions US de dette de la société papetière, craignent que les garanties de leurs titres, qui reposent sur des actifs d'AbitibiBowater au Québec et en Ontario, soient compromises par les avantages requis par Investissement Québec. Cet organisme offre une garantie de prêt de 100 millions US à la société papetière.

 

En cour hier à Montréal, où AbitibiBowater était de retour pour la suite de sa restructuration sous protection judiciaire, les doléances des créanciers mécontents ont mené à l'ajournement du processus jusqu'à la semaine prochaine.

«Mon rôle est de parvenir à un dénouement favorable de cette restructuration pour l'entreprise, pas d'arbitrer des disputes entre les parties intéressées», a lancé le juge Clément Gascon, de la Cour supérieure, avant de lever la séance.

Juste auparavant, l'un des avocats des créanciers récalcitrants, Marc Duchesne, avait indiqué que la première priorité demandée par Investissement Québec risquait de «brimer les droits» de ses clients qui détiennent pour 400 millions US en billets financiers.

«Une telle priorité supplanterait les garanties déjà obtenues par mes clients. Elle s'appliquerait sur des actifs comme des usines et des centrales hydroélectriques telles que Manicouagan qui sont à la base même des garanties des billets détenus par mes clients», a plaidé M. Duchesne.

Mais chez Investissement Québec, en fin de journée hier, on réaffirmait cette condition de première priorité parmi les créanciers d'AbitibiBowater.

«Quand on fournit des fonds à la restructuration d'une entreprise, on ne veut pas se retrouver au troisième ou quatrième rang parmi les créanciers» a indiqué Pierre Lafrenière, vice-président aux affaires corporatives chez Investissement Québec.

Cela dit, M. Lafrenière a soutenu ne pas être surpris de la résistance de certains créanciers de la société papetière insolvable.

«C'était prévu à cette étape-ci du processus judiciaire qui encadre la restructuration d'AbitibiBowater», a-t-il expliqué.

N'empêche, en cour hier, l'avocat des créanciers récalcitrants, Marc Duchesne, a soutenu le financement de restructuration obtenu aux États-Unis par AbitibiBowater pour ses filiales américaines était dépourvu d'une telle condition de première priorité parmi les créanciers.

Ce financement spécial est prévu jusqu'à 600 millions US, mais dont le tiers seulement a déjà été autorisé par le juge de l'État du Delaware qui supervise le processus aux États-Unis.

«Pourquoi ce qui est suffisant pour le côté américain d'AbitibiBowater ne le serait pas ici du côté canadien?» a demandé M. Duchesne.

Chez Investissement Québec, on répond que la situation d'AbitibiBowater aux États-Unis est «très différente» de la situation au Canada, même si l'entreprise est sous protection judiciaire dans les deux pays.

«En fait, la valeur des actifs américains qui relèvent surtout de l'ex-société Bowater (fusionnée avec Abitibi en 2007) est considérée meilleure que celle des actifs d'Abitibi au Canada», a indiqué M. Lafrenière, d'Investissement Québec.

Pour la suite, il faudra quelques jours de négociations entre l'organisme québécois, AbitibiBowater et une banque canadienne encore non identifiée pour conclure le contrat de la garantie de prêt de 100 millions US.

«Nous tentons de négocier en quelques jours ce qui requiert parfois deux ou trois semaines», a confié un avocat d'AbitibiBowater, Marc Barbeau, au terme de l'audience au palais de justice de Montréal.

Ensuite, ce contrat financier devra être approuvé par le juge Gascon, mais pas avant plusieurs heures de délibérations en cour.

En parallèle, le juge doit aussi entendre des représentations à propos des caisses de retraite d'AbitibiBowater, lourdement déficitaires.

Des paiements de plusieurs millions de dollars de l'entreprise à ces caisses de retraite seraient dus à la fin d'avril.

Aussi, on devrait débattre en cour des 28 millions promis en indemnités de fin d'emploi aux centaines de salariés d'une papeterie d'AbitibiBowater à Terre-Neuve, fermée récemment.

Ces paiements ont été suspendus par la première ordonnance de protection judiciaire consentie à la société papetière, vendredi dernier.

Cette suspension a suscité un tollé à Terre-Neuve, où le gouvernement provincial est déjà en dispute d'expropriation contre AbitibiBowater.

Le plus gros syndicat canadien de l'industrie papetière (Énergie, Papier et Communications) a l'intention d'intervenir en cour pour obtenir la reprise des indemnités de fin d'emploi.