Investissement Québec va offrir une garantie de prêt temporaire de 100 millions de dollars US à AbitibiBowater (t.abh) pour l'aider, alors qu'elle se place sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers.

C'est le ministre des Finances et du Développement économique, Raymond Bachand, et celui des Ressources naturelles, Claude Béchard, qui en ont fait l'annonce, vendredi, lors d'un point de presse à Montréal.

En même temps qu'ils annonçaient cette aide d'urgence, les ministres ont lancé un appel pressant au gouvernement fédéral, l'invitant à les imiter.

Jusqu'ici, le gouvernement fédéral s'est refusé à aider l'industrie forestière comme il a aidé l'industrie automobile, affirmant qu'il ne pouvait le faire, en vertu de l'accord sur le bois d'oeuvre.

«On ne demande pas au gouvernement fédéral de faire quoi que ce soit d'illégal. On demande au gouvernement fédéral de se mettre en mode solution, d'aider les entreprises, d'aider les travailleurs. On n'est pas là pour trouver des solutions à leur place. On ne leur demande pas de violer l'accord sur le bois d'oeuvre. On leur demande de commencer leurs phrases par «oui on va faire quelque chose» au lieu de commencer par 'non on ne peut pas puis on n'essaiera pas'», a plaidé le ministre Béchard.

«Il n'est plus juste minuit moins cinq, il est minuit. C'est le temps que les lumières allument», s'est encore exclamé le ministre Béchard.

Le ministre Bachand s'est défendu d'aider une entreprise sous respirateur artificiel, affirmant que celle-ci est saine, génère des liquidités et a simplement besoin de temps pour réorganiser sa dette.

AbitibiBowater, dans l'ensemble de ses opérations, a une dette de 6 milliards $, a souligné M. Bachand.

Le ministre est convaincu qu'une telle aide est légale et ne contrevient à aucun accord. «On parle d'une garantie de prêt à des conditions commerciales. Ce n'est pas une subvention à des conditions commerciales. (C'est la garantie) d'un prêt qu'une institution financière va mettre en place à des conditions commerciales, donc en chargeant cher», a souligné le ministre Bachand.

L'entreprise AbitibiBowater a bien sûr applaudi à l'aide d'urgence promise par Québec.

«AbitibiBowater et ses employés apprécient la confiance que nous accordent Investissement Québec et le gouvernement du Québec en ce qui concerne nos initiatives de restructuration, ainsi que leur collaboration et leur soutien constants», a affirmé le président et chef de la direction David J. Paterson, par voie de communiqué.

«Les fonds supplémentaires qu'Investissement Québec propose de garantir soutiendront la poursuite des activités d'AbitibiBowater en fournissant des liquidités à court terme supplémentaires pendant que nous continuons de travailler à notre programme de restructuration et que nous poursuivons nos activités», a ajouté M. Paterson.

En conférence de presse au Saguenay-Lac St-Jean, où la question de l'industrie forestière était justement au menu d'une réunion de concertation régionale, le ministre du Revenu Jean-Pierre Blackburn, député de la région, a fait savoir qu'une cellule de crise avait été créée pour tenter de trouver des solutions «tout en respectant cet accord sur le bois d'oeuvre».

Toutefois, ni lui ni son collègue responsable de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec, Denis Lebel, n'ont annoncé d'aide immédiate pour AbitibiBowater.

De plus, ils ont affirmé qu'Exportations et Développement Canada offrait déjà des garanties de prêts aux entreprises en difficulté.

Le Syndicat des communications, de l'énergie et du papier, affilié à la FTQ, est convaincu également qu'une telle aide peut être légale à certaines conditions. «Tous nos avis juridiques nous disent qu'on n'a pas de problèmes si on a des prêts garantis à des taux commerciaux», a soutenu en entrevue le vice-président du syndicat, Renaud Gagné.

Ce syndicat représente 85 pour cent des 7500 travailleurs au Québec d'AbitibiBowater.

Le syndicat compte bien «intensifier la pression sur le fédéral», maintenant que Québec a fait son bout de chemin.

«Ça fait au moins deux ans qu'on revendique. Avant même les élections, on voulait vraiment un appui financier. Puis on n'en a pas et c'est vraiment malheureux par rapport à ce qui est sur la table pour l'automobile», s'est plaint M. Gagné.

De son côté, le porte-parole du Bloc québécois dans le dossier, le député de Chicoutimi-Le Fjord, Robert Bouchard, a reproché au gouvernement conservateur de «faire preuve d'une mauvaise foi sans borne en refusant toujours de faire sa part dans ce dossier».

«Une fois de plus, Québec réitère son soutien et n'hésite pas à venir en aide aux 7500 travailleuses et travailleurs québécois d'AbitibiBowater, mais que fait le gouvernement fédéral pendant ce temps? Il s'entête à contredire la position du gouvernement du Québec, du Conseil de l'industrie forestière du Québec et de ses propres avocats et prend le parti des lobbies américains en remettant en question la légalité des prêts et des garanties de prêts», a protesté le député bloquiste.

Le président de la Fédération québécoise des municipalités, Bernard Généreux, ne se contente pas de promesses vagues. «La maison est en feu et il faut agir.»

Il affirme que toute l'industrie forestière, et non seulement AbitibiBowater, a besoin «d'un accès immédiat au crédit» par le biais de garanties de prêts.

Et il pointe du doigt le gouvernement fédéral, jugeant que Québec a déjà fait sa large part.

«Il faut que le fédéral embarque puis rapidement, plutôt que de se mettre sur la touche, comme il l'a fait jusqu'à maintenant, en se protégeant derrière l'entente sur le bois d'oeuvre. S'il continue à vouloir jouer au chat et à la souris quant aux réponses à apporter, ils vont en payer le prix politique, ça c'est clair», a tonné M. Généreux.